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POÉSIES

Qui mon desir restraint et met en voie
Rieuléement et par art le convoie,
Par la vertu de Paour, qui regarde
Que de mon fait nuls ne se donne garde.
Par ensi voi attempré mon corage.
Lors Doulc-Penser grandement m’encorage
De reconti-nuer tout mon afaire ;
Et se ne puis riens el nuit et jour faire
Fors que penser à vous, ma droite dame ;
Mès tant y a pour moi, qu’en ceste flame
Qui nuit et jour ardamment me traveille,
Pourvéance sans moyen me conseille,
Et les vertus que mon doulc penser porte
Pardevant moi songneusement raporte.
Et par ensi dedens mon coer se fourme
Espérance qui de tous bien m’enfourme,
Et qui me fait souvent ouvrir la bouche ;
Car si tretos que souvenir l’atouche,
Il me convient en diverses manières
Faire mon chant et toutes mes pryères.
En ce parti me troeve nuit et jour.
Ne pensés jà, dame, que je sejour ;
Nennil, car sou-venirs qui s’ensonnie
De gouvrener rieuléement ma vie
Ne lait sus moi oevre, tant soit petite,
Que dou remettre à point ne se delitte ;
Et je l’en lais bonnement convenir,
Car je ne puis à bon confort venir,
Ne moi rieuler par certainne ordenance,
Fors que par li et par sa gouvernance ;