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POÉSIES

Ne il n’i a chose tant doit petite,
Qui grandement à l’amant ne proufite.
Et s’il avient que, par aucune voie,
Le coer d’amant nullement se fourvoie,
Et qu’il soit mis ensi que hors dou rieule
De quoi Amours les vrès amoureus rieule
Ou eslongi de l’amoureuse vie
Par fortune, par fraude ou par envie ;
S’est Souvenirs d’une vertu si haute
Que, si trestos qu’elle voit la deffaute,
Conseil y met, ordenance et mesure,
Et à droit le coer si ramesure
Qu’il ne se poet par raison fourvoyer,
Puisqu’il se voelt en son rieule avoyer.
De très grand bien m’a toujours pourvéu
Le souvenir que j’ai de vous éu,
Ma droite dame, et moult m’en doi loer
Pour ce le voeil bonnement avoer,
Car onques ne me vi en ce parti
Que je pevisse une heure estre sans li ;
Et à la fin que ma besogne dure,
Moult a sus moi, entente soing et cure
Que si à point je m’attenpre et ordonne
Que je recoive en gré ce qu’Amours donne.
Et s’il avient que, par aucun contraire,
Fortune en nul péril me voeille traire,
Ne desvoyer, par fraude et par envie,
Lors ai-je bien mestier de mon aye.
Mès dans fautte je le troeve moult preste ;
Car nuit et jour onques pour moi n’arreste,