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Méliador

« S’en ay tristrece et grant anoy,
« Quant ne le puis a mon talent
« Retraire a ce commencement.
« C’est cose faée et nouvelle. »
19255 Phenonée en tele estincelle
D’amours, qui est vive et certainne
Est demorée une sepmainne.
Telement nuit et jour y pense
Que toutdis li est en presense
19260 Li souvenirs dou chevalier,
Qui conquist par bien tourniier
Le faucon, par devant Tarbonne ;
Elle telement s’i adonne
Que nullement n’en poet partir.
19265 A Narcissus, le vrai martir,
Le nous couvenra comparer,
Ou a Hero qui en le mer
Moru pour l’enfant Leander ;
Car quoi qu’elle se nomme suer
19270 A Melyador, bien saciés,
Ses cuers est si fort ataciés
A bonne amour, que toute en art. f. 142 b
Or en a la belle sa part,
Qui onques mais n’avoit senti
19275 Le dart amoureus dedens li.
Se s’en voelt elle delivrer,
Mais le chemin n’i scet trouver.
Elle s’asseule ce que poet,
Pour ce que celer ses maulz voet ;
19280 Com plus le fait, plus s’en enflame.
A damoiselle ne a femme
Ne dist riens de sa maladie :
Ensi en perilleuse vie
Pour sa santé est elle entrée.
19285 Sa mere, qui moult est senée,
Se perçoit moult bien que la belle