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Méliador

19215 Elle a empris une forte oevre,
Car elle voelt ses maulz celer.
Elle en a laissiet le parler
A Lyonniel son chevalier,
Et dist que pour son coer brisier,
19220 Autrement ne poet avoir pais,
Qu’elle n’i pensera jamais.
Mais en cel estat ne demeure,
Entre jour et nuit, pas une heure,
Que elle y pense, ou voelle ou non.
19225 « A ! » dist elle, « se je le nom
« De ce bleu chevalier savoie,
« Trop grandement mieulz en vaurroie.
« Lyonnel m’a dit qu’il est telz,
« Si frices et si confortés,
19230 « Que c’est de ses fais grans merveilles.
« Et cilz a ces armes vermeilles
« Me samble .i. chevalier de bien ;
« Car, en arroi et en maintien,
« Je le vi si bien tourniier
19235 « Et sen espée maniier,
« C’onques puis ne m’issi dou coer.
« Or ne sui je mies sa suer,
« Ce que je cuidoie avant hier, f. 142 a
« Car il dist a mon chevalier,
19240 « A cui il parla voirement,
« Que tous en mon commandement
« Estoit, mais riens ne m’atenoit,
« Et que pour mi se maintenoit
« Frichement, querant aventures.
19245 « Las ! ces nouvelles me sont dures,
« Car je cuidoie avoir assis
« Mon coer, dou tout donné et mis,
« A Melyador, mon chier frere.
« Mais diverse m’est la matere :
19250 « Non ai, selonch ce que je voy.