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Analyse de Méliador

de sa réponse, Lucienne conclut que l’artiste est, soit un gentilhomme, soit un fou, et qu’il faudra l’étudier attentivement lors de sa prochaine visite. En attendant, Phénonée fait grand cas de sa toile et, bien que n’ayant pas ordinairement de secret pour Lucienne, elle ne lui confie cependant point cette fois toute sa pensée (v. 20689).

Cependant, de retour au logis, Agamanor se lamente : sa folie lui a tout fait perdre ; il s’est déshonoré en reniant chevalerie et s’en veut d’avoir cru qu’une œuvre manuelle pourrait lui valoir l’amour de Phénonée. Il songe à quitter Tarbonne dès le lendemain matin, mais la nuit change ses dispositions et il revient à l’idée de présenter un autre tableau à la dame de ses pensées : cette fois une petite toile offre l’image du Chevalier Rouge, un faucon au poing, en face de Phénonée, à qui il adresse un rondel amoureux. Quatre jours plus tard, l’artiste se rend derechef au manoir du Bois, en déclarant qu’il ne montrera ce nouveau travail qu’à la fille du duc de Cornouailles. Celle-ci, qui a pris soin de placer Lucienne derrière une courtine, reçoit le peintre et, lui faisant son compliment d’un tableau qui l’enchante, elle le presse de questions au sujet du chevalier dont il a reproduit l’image et les hauts faits. Agamanor finit par lui avouer que le peintre et son modèle ne font qu’un seul et même personnage ; il lui déclare son amour et la conjure de le retenir pour son chevalier (v. 21046).

Fort émue des déclarations d’Agamanor, Phénonée l’éloigne un moment pour prendre conseil de Lucienne. Les deux cousines le font ensuite comparaître devant elles, et Lucienne s’attache à lui montrer l’invraisemblance de ses propos. Le Chevalier Rouge raconte alors comment, dès son jeune âge, il s’est occupé de peinture, grâce au voisinage des artistes qui ont décoré le manoir paternel ; il dit aussi la part qu’il a prise à la quête instituée pour l’amour d’Hermondine. Arrivant au récit des fêtes de Tarbonne, il s’étend complaisamment sur le rôle qu’y joua la fille du duc de Cornouailles et, en témoignage de sa véra-