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Œuvres Morales,

que j’avois donné de trop. On se moqua tant de ma sottise, que je me mis à pleurer de toute ma force ; et la réflexion me causa bien plus de chagrin, que le sifflet ne m’avoit fait de plaisir.

Cependant cela ne laissa pas que de m’être avantageux dans la suite. Je conservai le souvenir de mon sot marché ; et toutes les fois que j’étois tenté d’acheter des choses inutiles, je me disois à moi-même : — « Ne paye pas trop cher le sifflet ». — Et j’épargnois mon argent.

Je devins grand, j’entrai dans le monde, j’observai les actions des hommes, et je crus en rencontrer plusieurs, oui, plusieurs, qui payoient trop cher le sifflet.

Quand j’ai vu quelqu’un qui, trop ardent à rechercher les grâces de la cour, employoit son temps à assister au lever du roi, sacrifioit son repos, sa liberté, sa vertu, et peut-être ses amis à s’avancer dans cette carrière, je me suis dit : — « Cet homme paye trop cher son sifflet. »

Quand j’ai vu un autre ambitieux, jaloux d’acquérir la faveur populaire, s’oc-