Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

a même qui repoussent la distinction de l’âme et du moi, qui veulent que l’âme n’accomplisse aucun acte sans en avoir conscience, et concluent de ce que l’âme n’a pas conscience de présider aux fonctions vitales qu’en effet elle ne les gou­verne pas. Aux rares partisans de l’animisme qui veulent que nous ayons cette conscience, quel­ques-uns opposent qu’il y a là une équivoque, que nous percevons bien sans doute les phéno­mènes vitaux les plus considérables, surtout lors­qu’ils sont troubles par la maladie, mais qu’autre cnose est ce sentiment naturel d’un fait qui se passe dans le corps, autre chose est la con­science qu’aurait l’âme d’être elle-même la cause de ces phénomènes. Ils disent que nous sentons notre corps, nos organes et les fonc­tions qui s’accomplissent en eux, mais que c’est abuser des mots que de dire que nous en avons conscience. Ils demandent enfin quelle explication plausible l’animisme peut donner de la mort naturelle, sans anéantir l’àme raisonna­ble, en même temps que cesse fatalement sa puis­sance comme principe de la vie.

On trouvera l’indication des ouvrages à consul­ter et d’autres renseignements utiles aux articles Vie, Vitalisme, Dynamisme, Organicisme, Stahl.

A. L.

ANNICERIS de Cyrène florissait environ 300 ans avant l’ère chrétienne, à Alexandrie, où il fonda la secte très-obscure et très-éphémère des annicériens. Sa doctrine peut être regardée comme une transition entre celle d’Aristippe, dont il commença par adopter entièrement les principes, et celle d’Épkure, un peu moins in­juste envers les besoins moraux de l’homme. C’est pour cette raison, sans doute, que quelques anciens l’ont compris dans l’école épicurienne. Anniceris n’assignait pas à la fin humaine une fin commune, un but unique vers lequel doivent se diriger toutes nos actions ; mais il prétendait ue chaque effort de la volonté devait avoir une n particulière, c’est-à-dire le plaisir qui peut en être la suite. Il ne croyait pas non plus avec Épicure que le plaisir ou la volupté fût seulement l’absence du mal ; car, dans ce cas, disait-il, il ne différerait pas de la mort. Il voulait, en vrai disciple de l’école cyrénaïque, le plaisir ou la volupté dans le mouvement (ήοονή èv κινήσει) ; mais en même temps il s’efforçait d’adoucir les conséquences qui résultent et qu’on avait déjà tirées de cette doctrine. Il ne faut pas, disait-il, que la volupté soit le résultat immédiat de nos actions ; mais il est quelquefois nécessaire de renoncer à un plaisir ou de supporter un mal actuel, en vue d’une jouissance à venir. C’est ainsi que, dans l’espérance des biens qu’elle nous apporte, nous saurons, au prix de quelques sa­crifices, cultiver l’amitié et rechercher la bien­veillance de nos semblables. Il ne faisait pas moins de cas des jouissances intellectuelles, et au lieu de laisser l’homme complètement livré à ses instincts et à ses passions, il lui recommande d’extirper en lui les mauvais penchants. Enfin, le respect des ancêtres, l’amour de la patrie, le sentiment de l’honneur et de la bienséance ont également trouvé grâce devant lui C’est toute la morale d’Épicure d’un point de vue moins large et sous une forme moins systématique. Voyez Diogène Laërce, liv. II, ch. xevi, xcvii et xcviii. — Suidas, s. v. Anniceris. — Clem. Alex., Strom., lib. II, c. ccccxvii.

ANSELME de Laon, surnommé le Scolastique ou ÏÉcolàtre, étudia, dit-on, à l’abbaye du Bec, sous saint Anselme. Vers 1076, il vint à Paris où il enseigna pendant plusieurs années, et alla ensuite s’établir à Laon. L’école qu’il ouvrit dans cette dernière ville acquit bientôt une étonnante célébrité. Parmi ceux qui la fréquentèrent on cite les noms les plus distingués du xiic siècle, Gilbert de la Porrée, Hugues d’Amiens, Hugues Métal, Albéric de Reims, Abélard, et même Guillaume de Champeaux, déjà avancé en âge. Cependant, le caractère de l’enseignement d’An­selme justifiait peu ce nombreux concours d’au­diteurs choisis. Il tenait pour l’autorité exclusive de la tradition, évitait de soulever de nouvelles questions, n’approfondissait pas les anciennes, et se bornait à l’exposition littérale du dogme qu’il développait, en s’appuyant sur les saints Pères Abélard, dans une de ses LerCrS dit qu’il n’avait ni une grande mémoire ni un jugement solide, qu’on trouvait en lui plus de fumée que de lu­mière, qu’enfin c’était un arbre qui avait quelques feuilles, mais qui ne portait pas de fruits. An­selme mourut en 1117. On lui doit des gloses interlinéaires et des Commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament. — Consultez Histoire litt. de France, t. X.C. J.

ANSELME (Saint), né à Aoste en Piémont, en 1033, mort archevêque de Cantoi’béry, le 20 avril 1109, a joué un rôle important dans les affaires de l’Église à la fin du xie siècle. Les exemples de piété de sa mère Ermenhurge lui inspirèrent le désir d’embrasser la vie mo­nastique. Son père, qui s’y était d’abord opposé, suivit, plus tard son exemple, et, après avoir passé sa vie dans le monde, la termina dans un monastère. Anselme s’était arrêté au Bec en Nor­mandie, dans un couvent de l’ordre de Sainl-Be— noît dont l’abbé se nommait Herluin. Séduit par la sagesse de l’illustre Lanfranc, qui fut bientôt prieur de cette abbaye, il prit l’habit à l’âge de vingt-sept ans, avec la permission de Maurilius ? évêque de Rouen. Lanfranc étant devenu abbe du monastère de Caen, Anselme lui succéda dans la dignité de prieur du Bec, et fit apprécier dans scs nouvelles fonctions une douceur et une so­lidité de caractère dont la réputation se répandit bientôt en Normandie, en Flandre et en France. Après la mort d’Herluin, les vœux des moines du Bec l’appelèrent à la tête de leur abbaye. Il céda, non sans quelque hésitation, à leurs dé­sirs, et s’adonna particulièrement à la contem­plation, à l’éducation, à l’avertissement et à la correction des moines.

Anselme alla bientôt en Angleterre visiter Lanfranc, devenu archevêque de Cantorbéry, et fréquenta les moines de cette abbaye célèbre. Partout, dans ce voyage, il fit admirer la sagesse des exhortations qu’il adressait à tous les âges, à toutes les conditions.

Guillaume le Conquérant étant mort en 1087, et Lanfranc en 1089, Guillaume le Roux appela Anselme au siège de Cantorbéry, quoiqu’il connût déjà sa franchise et sa sévérité. Quelques nuages élevés entre le roi et l’archevêque, reste fidèle à Urbain II contre l’antipape Guibert, forcèrent le dernier à chercher un refuge à Rome.

De retour en Angleterre, après l’avénement de Henri Ier ; il rendit à ce prince l’important service de detacher des intérêts de Robert, son frère, plusieurs des barons mécontents, et mé­nagea l’accommodement qui suspendit les hosti­lités. Mais le parti pris par Anselme, dans la question des investitures, brouilla le prince et le prélat. Celui-ci, parti pour l’Italie, ou il allait accomplir une mission qui cachait une disgrâce, reçut à son retour l’ordre de rester en exil ; il s’arrêta en France où il demeura trois ans, et ne revint en Angleterre que lorsque l’influence de Pascal II eut amené Henri Ier à une réconcilia­tion qui eut lieu au monastère du Bec.

Plus célèbre, cependant, par les productions de son génie que par l’influence qu’il exerça sur quelques-