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on peut et qu’on veut acquérir dans les 64 sciences cosmologiques, avant de commencer l’étude des sciences noologiques. De plus, il croit qu’il faut apprendre dans chaque règne les sciences du premier ordre une à une, chacune depuis ses premiers éléments jusqu’à ses parties les plus élevées dans les quatre sciences du troi­sième ordre, avant de passer aux sciences sui­vantes du premier ordre ; qu’ainsi il faut ap­prendre les mathématiques supérieures, sans excepter l’astronomie, avant la physique élé­mentaire et par conséquent avant aucune notion d’optique. Il n’est pas besoin d’allerplus loin pour voir que les sciences cosmologiques, classées, comme elles doivent l’être, d’après leurs objets, ne sont pas rangées dans l’ordre suivant lequel elles doivent être apprises, et qu’il faut avoir appris les éléments de plusieurs sciences du pre­mier ordre, avant de pouvoir atteindre les parties les plus élevées de l’une quelconque d’entre elles, à l’exception des mathématiques pures. Il en est de même pour les sciences noologiques. Par exemple, à qui Ampère fera-t-il croire qu’un futur philosophe doit commencer par acquérir une instruction aussi complète qu’il pourra dans les sciences cosmologiques, avant d’aborder l’é­tude de la psychologie élémentaire, et que celui qui veut devenir linguiste doit avoir achevé ses études dans les sciences cosmologiques, dans les sciences philosophiques, et de plus dans les beaux— arts, avant de commencer l’etude des langues ? Cette illusion d’Ampère peut s’expliquer par la puissance exceptionnelle de ses facultés, par le défaut de direction dans les études de son enfance et de sa jeunesse, et par l’ordre étrange qu’il avait suivi lui-même, comme nous l’avons vu, dans l’acquisition de ses vastes connaissances.

Sur Ampère, outre les notices déjà mentionnées de MM. Sainte-Beuve et Littré, voyez la notice, plus récente, de M. François Arago, qui a puisé des renseignements intéressants dans ses sou­venirs personnels et dans xa correspondance intime d’Ampère avec ses amis de Lyon, mais qui a commis quelques erreurs de faits et de dates ; l’article de M. Étienne Arago. résumé de la notice précédente, dans la nouvelle édition de la Biographie universelle ; Y Introduction déjà citée de M. J. J. Ampère à la philosophie démon père ; Y Avant-propos de M. Barthélémy Saint— Hilaire, et quelques passages du volume de Μ. E. Naville sur Maine de Biran, sa vie et ses pensées.Th. H.-M.

AMPHIBOLIE, άμ.φιβο).ία. Tel est le nom con­sacré par Kant, dans sa Critique de la raison pure ; à une sorte d’amphibologie naturelle, fondee, selon lui, sur les lois mêmes de la pensée et qui consiste à confondre les notions de l’enten­dement pur avec les objets de l’expérience, à at­tribuer à ceux-ci des caractères et des qualités qui appartiennent exclusivement à celles-là. On tombe dans cette erreur quand, par exemple, on fait de l’identité, qui est une notion a priori, une qualité réelle des phénomènes ou des objets que 1 expérience nous fait connaître (Analyt. des principes, appendice du ch. m).

AMPHIBOLOGIE, de αμφιβολία, même signi­fication. On appelle ainsi une proposition qui présente, non pas un sens obscur, mais un sens douteux, un double sens. Aristote, dans son Traité des réfutations sophistiques (ch. iv), a compté l’amphibologie parmi les sophismes. Il la dis­tingue de Yéquivoque (ομωνυμία), par laquelle il désigne l’ambiguïté des termes, pris isolément.

ANACHARSÏS. Voy. LES SEPT SAGES.

ANALOGIE. On confond aujourd’hui le plus souvent l’analogie avec la ressemblance ; les an­ciens logiciens y mettaient plus de scrupule, et conservaient au premier de ces termes le sens nue lui avaient donné les mathématiciens, celui d’une égalité de rapports comme celle qui con­stitue une proportion. Le langage n’a pas cessé d’exprimer cette différence. Deux ailes d’oiseau sont semblables : la nageoire d’un poisson est ana­logue à une aile, parce qu’elle a la même con­nexion avec d’autres organes, et qu’elle sert au même usage. Ce qui autorise l’assimilation, c’est, comme dans une proportion, la similitude des rapports. Quoi de plus différent encore qu’une colonie et un enfant, et qui s’aviserait de recher­cher entre ces deux termes des ressemblances intrinsèques ? Mais la relation qui existe entre l’enfant et sa mère se retrouve en quelque me­sure dans celle qui rattache une colonie à la patrie qui l’a fondée, et que, par analogie, on appelle sa métropole. Ainsi, à parler rigoureusement, il n’y a de ressemblance qu’entre des faits de même espèce, ou tout au moins de même genre, et une propriété dite semblable est inhérente aux objets où on la constate ; l’analogie, au contraire, résulte entre des termes différents, d’une relation du même genre, et son domaine est, pour ainsi dire, sans limite. Nous découvrons sans cesse des rapprochements imprévus entre les objets les plus divers, et la parole les exprime en vives ima­ges. Cette distinction semble pourtant s’évanouir quand on parle en logique du raisonnement par analogie, qui se trouve confondu avec le raison­nement par ressemblance. Il y a là dans les mots et dans les choses une grande incertitude qu’il importe de dissiper.

Les ressemblances se constatent par l’observa­tion et la comparaison, et l’induction, qui, sans doute, a d’autres conditions, suppose toujours qu’elles sont reconnues. Raisonner par ressem­blance, c’est donc, à proprement parler, raison­ner par induction. S’il y a un procédé différent qu’on appelle analogie, il ne consistera donc pas simplement à s’appuyer sur des ressemblances, ou bien il y aura deux noms pour désigner la même opération. Le seul moyen de s’éclairer, c’est d’emprunter aux logiciens quelques exemples qu’ils proposent comme des modèles du raisonne­ment par analogie, et de les interpréter. Soutenir que les colonies ont envers la mère patrie les mêmes devoirs que les enfants envers leurs pa­rents ; concevoir que la foudre a la même cause que les phénomènes électriques artificiellement produits dans un laboratoire ; un animal d’une es­pèce inconnue qu’un cœur, une circulation double et complète, etc., parce qu’on l’a vu allaiter ses petits ; que la planète Mars a des habitants, parce qu’elle ressemble à la Terre, voilà des types qui représentent assez bien toutes les formes du rai­sonnement par analogie, tels que le décrivent les auteurs les plus considérés. Or il ne parait pas possible d’en dégager une formule qui convienne a tous, et il y a là des procédés intellectuels de nature très-difi’érente. Le premier raisonnement est une véritable déduction : on conclut de l’i­dentité des rapports, qui est supposée reconnue ou accordée, à l’identité des devoirs ; la conclu­sion est forcée, si l’on admet qu’il y a entre les colonies et la patrie commune un vrai lien de filiation ; elle est très-douteuse si celte assimila­tion est précaire. L’analogie est établie, avant le raisonnement auquel elle sert de principe, par une comparaison dont on peut contester ou soutenir l’exactitude. On renverra donc ce premier mode d’inférence à la déduction. En second lieu, quand Franklin soupçonne que les phénomènes produits par les appareils électriques sont de même espèce que ceux aes nuages qui portent le tonnerre, il ne raisonne pas, il constate des ressemblances, qui ont pu échapper à d’autres, mais qui le frappent,