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à Lyon des leçons particulières de mathématiques. Le soir, il se délassait en lisant avec d’autres jeunes gens la Chimie de Lavoisier. Marié le

  1. août 1799, et devenu, le 12 août 1800, père d’un fils destiné à l’Académie française, il deve­nait en 1801 professeur de plysique à l’école centrale du département de l’Ain. Ainsi exilé à Bourg, loin de sa femme déjà malade et de son enfant, il écrivait et lisait à une Société d’émula­tion des poésies gracieuses et tendres. En même temps, ses lettres prouvent qu’il rêvait pour son jeune ménage un prix de soixante mille francs, proposé par Bonaparte pour quelque grande dé­couverte sur l’électricite : il avait commencé sur ce sujet l’impression d’un ouvrage de physique, qui ne fut pas achevé. Il préparait un ouvrage mathématique, qu’il n’acheva pas davantage, sur les séries et les autres formules indéfinies. Faisant un cours de chimie expérimentale, il écrivait un ouvrage sur l’avenir de la chimie ; mais plus tard, effraye de la témérité de ses prédictions, il le détruisit dans un moment de ferveur religieuse, et ensuite il en regretta amèrement la perte. Ce fut aussi pendant son séjour à Bourg, en 1802, qu’il publia à Lyon des Considérations mathé­matiques sur la théorie du jeu, ouvrage de haute analyse, qui, apprécié par Lalande et surtout par Delamhre, lui valut une chaire.de mathématiques au nouveau lycée de Lyon, dont ces deux savants étaient venus préparer l’organisation. Un mé­moire sur l’application du calcul des variations à la mécanique, mémoire présenté dès 1802 à Delambre, et vers 1803 à l’institut, acheva de le faire connaître des savants. Devenu veuf le 13 juillet 1803, il fut nommé, vers la fin de 1805, répétiteur d’analyse à l’École polytechnique, et bientôt il se remaria à Paris. Il fut nommé, en mars 1806^, secrétaire du bureau consultatif des Arts et metiers ; mais il donna bientôt sa démis­sion en faveur de Thénard. En 1807 ? il faisait à l’Athénée un cours moitié mathématique, moitié métaphysique, dans lequel la classification des sciences et les études psychologiques avaient leur place. Il devint, en 1808, inspecteur général de l’Uni versi té, et de plus, en 1809, professeur d’ana­lyse et de mécanique à l’École polytechnique. En 1814, il entra à l’institut comme successeur du mathématicien Bossut. Chargé d’un cours de philosophie à la Sorbonne en 1819 et 1820 ; il fut nommé en 1820 professeur de physique générale au Collège de France. De 1820 à 1827, il fit les découvertes électro-dynamiques qui ont immor­talisé son nom, et presque toutes les sociétés savantes de l’Europe voulurent le compter au nombre de leurs membres. Il mourut à Marseille, le 10 juillet 1836, pendant une tournée d’inspec­tion générale de l’Université.

DICT. PHILOS.De sa vie de 61 ans, le commencement jusqu’à l’âge de 26 ans fut employé par lui à s’instruire et à s’essayer dans les études les plus diverses. Son activité productrice a duré 35 ans, et se par­tage en deux périodes à peu près égales, dont la seconde a été la plus fructueuse. De 1802 à l’au­tomne de 1820, il s’est adonné surtout aux ma­thématiques et à la psychologie. De l’automne de 1820 jusqu’à sa mort, il s’est occupé surtout de physique et de chimie, de zoologie, de cosmo— onie et de philosophie appliquée a l’ensemble es sciences. De 1802 à 1820, il a marqué sa place dans l’histoire de la philosophie proprement dite par un mémoire psychologique inachevé, par les fragments de sa correspondance philosophique avec Maine de Biran, par quelques-unes de ses leçons de 1807 à l’Athénée, et par le cours de phi­losophie qu’il fit en 1819 et 1820 à la Sorbonne. En même temps, de 1802 à 1815, il a composé, sur les mathématiques pures et appliquées, une série de mémoires importants. Dans la seconde période, on ne trouve plus de lui aucun écrit sur la philosophie pure, mais seulement des leçons orales ; l’on n’y trouve, en fait de mathématiques pures, qu’un traité de calcul différentiel et de calcul intégral, dont les dernières pages ne purent pas être obtenues de lui par l’editeur, et qui parut sans nom d’auteur, sans titre et sans table des matières^ et en fait de mathématiques appli­quées, un memoire sur la théorie des ondulations lumineuses. Pendant la première période, il avait préludé à plusieurs des travaux de la seconde. Ainsi il publiait, de 1814 à 1815, trois mémoires de théorie chimique, et en mars 1832, dans la Bibliothèque universelle de Genève, sur la struc­ture atomique des corps, une remarquable théorie, dont il s’était occupe dans son cours au Collège de France, et qui lui avait été inspirée par les découvertes de Gay-Lussac sur les rapports des volumes des gaz dans leurs combinaisons chimi­ques. Dès 1803, il avait eu, sur la philosophie zoologique, des vues analogues à celles qui furent développées plus tard par Étienne-Geoffroy Saint— Hilaire. Par un article anonyme, inséré en 1824, dans les Annales des sciences naturelles, sur l’existence et les transformations de la vertèbre chez les insectes, et par les leçons qu’en 1832, dans son cours au Collège de France, il opposait, avec une vivacité temperée par le respect, aux leçons de son illustre collègue Georges Cuvier contre le système de l’unité de composition, il se fit le second de Geoffroy Saint-Hilaire dans la dé­fense de leur système commun contre le système de la diversité des types organiques. Dès avant 1815, la question des époques géologiques et des créations successives avait vivement préoccupé Ampère, et une lettre à ses amis de Lyon témoigne une grande ardeur pour l’hypothèse d’une ca­tastrophe future à la suite de laquelle des créa­tures plus parfaites remplaceraient l’homme sur la terre. Depuis 1830, dans quelques leçons de son cours du Collège de France et dans des con­versations complémentaires, il a développé une hypothèse cosmogonique, dont le résume a paru dans une note à la suite de la cinquième édition des Lettres sur les révolutions du globe, œuvre du docteur Alexandre Bertrand, dont Ampère avait partagé la foi ardente aux phénomènes les plus incroyables du somnambulisme artificiel. Modifiant l’hypothèse cosmogonique des astro­nomes Herschell et Laplace par celle du chimiste sir Humphry Davy, Ampère prend, comme les deux premiers, la condensation progressive des nébuleuses pour cause principale de la formation du système solaire, de la terre et des étoiles ; mais il admet que les substances successivement amenées par le refroidissement de l’état gazeux à l’état liquide et à l’état solide ont été échauffées de nouveau par leurs combinaisons chimiques avec d’autres substances condensées et déposées postérieurement, et qu’ainsi le maximum de tem­pérature a toujours dû être, non au centre, ni à la surface, mais à une certaine profondeur, au contact de deux couches réagissant chimiquement l’une sur l’autre. Ampère ébranlait ainsi l’hypo­thèse de l’énorme chaleur centrale du globe terrestre. Depuis 1829 jusqu’à sa mort, la^ clas­sification philosophique des sciences fut l’objet constant et presque unique de ses travaux : nous avons vu que dès 1807 il s’en étaii occupé, et ses études philosophiques depuis 1802 en furent la préparation.

Quant à la découverte scientifique qui a placé Ampère au rang des plus grands physiciens, il ne suffit pas de la mentionner ici en deux mots ; car elle intéresse indirectement la philosophie par la méthode dont elle est une application. En 1802,