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à Franeker. Sa connaissance profonde de la littérature rabbinique le fit nommer professeur d’hébreu dans sa patrie ; il enseigna ensuite à Franeker ; en 1649, il obtint la chaire de théologie de Leyde, qu’il a occupée jusqu’à sa mort, arrivée en 1669. Coccéius a attaché son nom à un système d’exégèse biblique, d’après lequel tous les événements qui doivent arriver dans l’Église, jusqu’à la fin des siècles, se trouveraient annoncés par les figures de l’Ancien Testament. La science n’a rien à voir dans une pareille hypothèse, et Coccéius doit à une circonstance toute fortuite d’occuper une place dans l’histoire de la philosophie. Ses adversaires, entre autres Desmarets et Gilbert Voët, afin de décrier sa doctrine auprès du clergé hollandais, le dénoncèrent comme fauteur des idées de Descartes, qui, selon eux, n’étaient propres qu’à ébranler l’autorité. Il en résulta que es cartésiens et les disciples de Coccéius, réunis par la nécessité de combattre les mêmes adversaires, firent tout d’abord cause commune, et à la fin ne formèrent plus qu’un seul parti. On peut voir dans Brucker (Hist. crit. phil., t. V) l’histoire de ce grand débat qui a partagé les universités de Hollande, et auquel se rattache le célèbre synode de Dordrecht, ou le cartésianisme fut condamné. Il existe plusieurs éditions des œuvres de Coccéius : Amsterdam, 1673-1675, 8 vol. in-f° ; Hid., 1701, 10 vol. in-f°. — Voy. Nicéron, Mémoires pour servir à l’Histoire des hommes illustres, 1727 et ann. suiv., t. VIII. X.


COÏMBRE. Il ne faut pas confondre l’université de Coïmbre, toute laïque, avec le collège que fondèrent les Jésuites dans cette ville, et qui reçut d’eux l’empreinte religieuse qui caractérise leur enseignement : c’est le collège seul qui est fameux en philosophie. Il y avait quelques années que l’université de Coïmbre avait été fondée par Jean III de Portugal, et déjà sa réputation était européenne, quand les Jésuites, dont l’ordre venait de naître, arrivèrent à Lisbonne en 1540. François Xavier, l’apôtre des Indes, faisait partie de cette première colonie, qui devait être suivie de bien d’autres. L’accueil que leur fit le roi fut plein de bienveillance et même d’enthousiasme. Bien qu’il fût lui-même le créateur de l’université, il n’hésita point à lui susciter une rivalité qui devait être fatale, en permettant aux nouveaux venus d’établir un collège dans la ville où elle résidait. Par suite de circonstances particulières, Coïmbre, sans être la capitale politique du pays, en était depuis longtemps la capitale intellectuelle ; et aujourd’hui même c’est à Coïmbre et non à Lisbonne que siège la direction supérieure de l’instruction publique.

En 1542, les Jésuites sont autorisés à ouvrir leur collège ; et c’est le premier du monde entier que posséda la Société, qui n’en eut jamais ni de plus illustre ni de plus considérable. Dans l’édition de Ribadeneira par Sotwel, c’est par erreur qu’on a donné la date de 1552 ; elle doit être rapportée dix ans plus haut. Dans ce collège, les Jésuites pouvaient enseigner ce qu’on appelait alors les arts, c’est-à-dire les belles-lettres, la philosophie et les langues, parmi lesquelles on comptait surtout les langues grecque et hébraïque. C’était là précisément tout ce dont se composait l’enseignement inférieur de l’université, l’enseignement supérieur comprenant le droit, la médecine et la théologie. Ils Obtinrent tout d’abord de la faiblesse du roi^ les m. mes droits que ceux qu’il avait conférés à l’université, et ils se prétendirent complètement indépendants. L’université, qui les avail dé daignés à cause <1< : leur petit nombre, (lui bimlnl

s’en inquiéter ; en 1545, elle eut la foroe d’exiger

que le collège lui lut ouvert, et elle sounul les

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études à une sévère inspection. Les Jésuites réclamèrent énergiquement. et il s’établit dès lors une lutte qui, à travers des phases diverses, ne dura pas moins de quarante ans, et qui se termina, pour l’ordre entreprenant et habile, par une victoire complète. En 1547, le roi vint en personne poser la première pierre d’une fondation dont il avait lui-même tracé tous les plans, et qui, malgré la protection royale, fut arrêtée quelque temps par l’opposition violente du peuple de Coïmbre ; mais en 1550, le collège, triomphant de tous les obstacles, était construit, et le roi venait le visiter solennellement.

Trois ans plus tard, les Jésuites obtenaient de faire chez eux le cours de théologie que jusquelà ils devaient suivre dans les classes de l’université : et dès 1555, ils étaient à peu près vainqueurs, et ils se faisaient adjuger la moitié de l’université, en se chargeant de l’enseignement inférieur tout entier, qui fut retiré aux professeurs laïques. Seulement la Société eut le soin, pour se faire moins d’ennemis, de leur assurer des pensions viagères sur les fonds de l’État, et elle se fit accorder à elle-même les plus belles conditions. Elle consentit à tenir dans son collège toutes les classes mineures qu’avait possédées l’université, pourvu qu’on lui constituât des revenus indépendants, et que surtout on l’exemptât de toute surveillance. Ces conditions lui furent concédées à perpétuité par une ordonnance du roi que vint bientôt confirmer une bulle du pape. Il y eut dès lors à Coïmbre deux collèges de Jésuites séparés, l’un pour la théologie, et l’autre appelé collège des Arts. Par un reste de condescendance pour l’université, les élèves du premier collège lui demandèrent encore leurs grades en théologie ; et les Jésuites ne s’affranchirent tout à fait de cette contrainte que vingt ans plus tard, en 1575, bien qu’elle fût toute volontaire de leur part. Mais dès 1558 ils avaient su, pour les cours et les examens de philosophie, se faire attribuer tous les droits académiques. Les juges étaient tous pris parmi eux, et de plus les examens et la collation des grades se firent dans leur maison, tout en demeurant à la charge de l’université, condamnée à payer ceux qui la dépouillaient. Ce fut à cette occasion que le fameux Pierre Fonseca fut chargé de rédiger un manuel de philosophie, de tout point conforme à la doctrine d’Aristote, que la Société avait pris sous son patronage. Vers 1583, et grâce à quelques circonstances favorables, l’université tenta un dernier combat ; elle voulut revendiquer son droit d’inspection. Mais après dix années de lutte nouvelle, l’énergique Fonseca sut faire définitivement consacrer le privilège de la Société ; et, de plus, il fut assez habile pour faire accroître encore les revenus déjà considérables du collège.

A dater de cette époque jusqu’à l’expulsion, c’est-à-dire pendant près de deux siècles, les Jésuites dominèrent à Coïmbre sans partage, et l’éducation de la jeunesse leur fut complètement abandonnée. Leur collège avait habituellement jusqu’à deux mille élèves. Mais la violence dont ils avaient usé envers l’université ne put être oubliée. En 1771, le marquis de Pombal qui avait le premier la gloire d’attaquer la Société et de la détruire dans son pays, fit renaître de trop justes griefs, et une commission royale, composée des plus grands personnages de l’État, dut publier un récit officiel des manœuvres et des intrigues par lesquelles les Jésuites étaient parvenus à détruire l’université nationale. C’est un acte régulier d’accusation sur ce chef si grave ; et ce i ; iiiiiiii, publié dix-neuf ans après l’expulsion des soi-disanl Jésuites, est encore empreint de toute la juste colère qui l’avait provoquée (Recueil