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contredit par l’expérience ; car, après tout, l’ex­périence ne comprend que les lois et les faits que nous connaissons, et rien ne nous empêche d’en supposer d’autres que nous ne connaissons pas, ou qui, sans exister, peuvent être regardés comme possibles. De là vient que, dans les sciences qui ont pour unique appui les définitions et le rai­sonnement, par exemple en géométrie, il n’y a pas de milieu entre l’absurde et le vrai ; dans toutes les autres, l’hypothétique et le faux servent d’intermédiaire entre les deux extrêmes dont nous venons de parler.


ACADÉMIE. L’Académie était un gymnase d’Athènes ainsi appelé du nom du héros Académus. Platon ayant choisi ce lieu pour y réunir ses disciples, l’école philosophique, dont il est le chef, prit à son tour le nom d’École académique ou simplement d’Académie.

L’École académique, considérée en général, embrasse une période de quatre siècles, depuis Platon jusqu’à Antiochus, et comprend les sys­tèmes philosophiques d’une importance et d’un caractère bien différents. Les uns admettent trois Académies : la première, celle de Platon ; la moyenne, celle d’Arcésilas ; la nouvelle, celle de Carnéade et de Clitomaque. Les autres en admet­tent quatre, savoir, avec les trois précédentes, celle de Philon et de Charmide. D’autres enfin ajoutent une cinquième Académie, celle d’Antiochus (Sextus Emp., Hyp. Pyrrh., lib. I, c. XXXIIl).

Parmi ces distinctions, une seule est impor­tante : c’est celle qui sépare Platon et ses vrais disciples, Speusippe et Xénocrate, et toute cette famille de faux platoniciens, de demi-sceptiques dont Arcésilas est le père, et Antiochus le der­nier membre considérable.

Ce qui marque d’un caractère commun cette seconde Académie, héritière infidèle de Platon, c’est la doctrine du vraisemblable, du probable, tô πιθανόν, qu’elle essaya d’introduire en toutes choses.

Arcésilas la proposa le premier, et la soutint avec subtilité et avec vigueur contre le dogma­tisme stoïcien et le pyrrhonisme absolu de Timon et de ses disciples, essayant ainsi de se frayer une route entre un doute excessif, qui choque le sens commun et détruit la vie, et ces tentatives orgueilleuses d’atteindre, avec des facultés bor­nées et relatives, une vérité définitive et absolue.

Après Arcésilas, l’Académie ne produisit aucun grand maître, jusqu’au moment où Carnéade vint jeter sur elle l’éclat de sa brillante renommée. Carnéade était le génie de la controverse. Il livra au stoïcisme un combat acharné, où, tout en re­cevant lui-même de rudes atteintes, il porta à son adversaire des coups mortels. Armé du sorite, son argument favori (Sextus, Adv. Mathem., éd. de Genève, p. 212 sqq.), Carnéade s’attacha à prouver qu’entre une aperception vraie et une aperception fausse il n’y a pas de limite saisissable, l’intervalle étant rempli par une infinité d’aperceptions dont la différence est infiniment petite (Cic., Acad. quæst., lib. II, c. xxix sqq.).

Si la certitude absolue est impossible, si le doute absolu est une extravagance, il ne reste au bon sens que la vraisemblance, la probabilité. Disciple d’Arcésilas sur ce point, comme sur tous les autres, mais disciple toujours original, Car­néade fit d’une opinion encore indécise un sys­tème régulier, et porta dans l’analyse de la pro­babilité, de ses degrés, des signes qui la révèlent, la pénétration et l’ingénieuse subtilité de son esprit (Sextus, Adv. Mathem., p. 169 B ; Hyp. Pyrrh., lib. I, c. xxxiii).

Après Carneade, la chute de l’Académie ne se fit pas attendre. Clitomaque écrivit les doctrines de son maître, mais sans y rien ajouter de consi­dérable (Cic., Acad. quæst., lib. II, c. xxxi sqq. ; Sextus, Adv. Mathem., p. 308). Ni Charmadas, ni Melanchtus de Rhodes, ni Métrodore de Stratonice, ne parvinrent à relever l’école décroissante Enfin Antiochus et Philon, comme épuisés par la lutte, passèrent à l’ennemi.

Philon ne combat qu’avec mollesse le critérium stoïcien, la célèbre φαντασία καταληπτική, si vi­goureusement pressée par Arcésilas et Carnéade. Il alla même jusqu’à accorder à ses adversaires qu’à parler absolument, la vérité peut être com­prise (Sextus, Hyp. Pyrrh., lib. I, c. x.vxm). L’Académie n’existait plus après cet aveu.

Antiochus s’allie avec le vieil adversaire de sa propre école, le stoïcisme. Il ne veut reconnaître dans les diverses écoles académiques que les membres dispersés d’une même famille, et rêvant entre toutes les philosophies rivales une harmo­nie fantastique, du même œil qui confond Xéno­crate et Arcésilas, il voit le stoïcisme dans Platon (Cic., l. c., c. xxii, xlii, xliii, xlvi ; de Nat. Deor., lib. I, c. vii).

Cette tentative impuissante d’éclectisme mar­que le terme des destinées de l’École académi­que.

Voyez, outre les ouvrages que nous avons cités et les histoires générales de la philosophie. Foucher, Histoire des Académiciens, in-12, Paris, 1690 ; le même, Dissert, de philosophia academica, in-12, Paris, 1692 ; Gerlach, Commentatio exhibens academicorum juniorum de probabi­litate disputationes, in-4, Goëtt. Em. S.


ACCIDENT (de accidere, en grec συμβεβηκòς). On appelle ainsi, dans le langage de la scolastique et de la philosophie aristotélicienne, toute modification ou qualité qui n’appartient pas à l’essence d’une chose, qui n’est pas l’expression de ses attributs constitutifs et invariables. Tels sont les vices par rapport à l’âme et le mouvement par rapport au corps : car l’âme n’est pas naturellement ni constamment vicieuse ; de même la matière ne peut être tirée de son inertie que par intervalles, grâce à une impulsion étrangère. Il ne faut pas confondre les accidents avec les phénomènes. En général, ceux-ci peuvent être constants, inhérents à la nature même des choses, par conséquent essentiels ; ceux-là, toujours en dehors de l’essence des êtres ont été très justement définis par Aristote (Met. E, c. II): ce qui n’arrive ni toujours ni ordinairement.


ACHENWALL (Godefroy), né en 1719 à Elbingen (Prusse), fit ses études à Iéna, à Halle et à Leipzig, s’établit à Marbourg en 1746, puis, en 1748, à Goëttingue, où il obtint une chaire peu de temps après. Il mourut en 1772.

Il se distingua surtout comme professeur d’his­toire et de statistique ; mais il appartient aussi à ce Recueil par ses leçons sur le droit naturel et international et par les écrits estimables qu’il a publiés sur cette matière. À l’exemple de son compatriote Thomasius, il sépare attentivement, tout en la fondant sur la raison, la science du droit de la morale proprement dite. Ses vues sur ce point sont développées dans les ouvrages sui­vants : Jus naturœ, Goëtt., 1750 et 1781 ; Obser­vat. juris nat. et gent., in-4, 1754 ; Prolegomena juris nat., in-8, 1758 et 1781.


ACHILLE. Tel est le nom qu’on a donné, dans l’antiquité, à l’un des arguments par lesquels Zénon d’Élée, et peut-être avant lui Parménide, voulait démontrer l’impossibilité du mouvement. On suppose Achille aux pieds légers luttant à la course avec une tortue et ne pouvant jamais l’at­teindre, pourvu que l’animal ait sur le héros l’a­vantage de quelques pas. Car, pour qu’ils pussent se rencontrer, il faudrait, dit-on, que l’un fût ar-