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qu’il tient l’âme pour incorporelle et di­vine. inclinant toutefois a en expliquer la nature par i’entéléchie d’Aristote j qu’il maintient, aux dépens même de la prescience et de la provi­dence de Dieu, la liberté humaine sacrifiee par les stoïciens ; qu’enfin il revendique pour l’âme, avec Platon, et au risque, dit-il, de se tromper avec lui, une autre vie après la mort, heureuse ou malheureuse, selon notre conduite ici-bas.

Toutefois, ces opinions qui ne sont pas même énoncées dans ses ouvrages avec la fermeté d’un esprit convaincu, lui appartiennent à peu de ti­tres. Ce n’est donc pas là qu’est son principal mérite comme philosophe, ou, si l’on veut, son droit évident à occuper une place importante dans l’histoire de la philosophie.

Pour le juger avec équité, il faut considérer le but qu’il s’est principalement proposé dans ses travaux philosophiques. Ç’a été d’initier les Ro­mains par des écrits composés dans leur propre langue, à la connaissance des systèmes de la Grèce. Il voulait qu’ils n’eussent rien à envier sous ce rapport à ce peuple, soumis par leurs armes, et auquel déjà ils disputaient avec succès les palmes de l’éloquence. En dirigeant ses ef­forts vers cette fin, Cicéron a façonné la langue latine à l’expression des idées philosophiques, et l’a enrichie d’un assez grand nombre de mots techniques qui ont passe, en partie, dans nos idiomes modernes. Et ce ne sont pas ses conci­toyens seuls qui ont profité de ces expositions étendues renfermées dans ses Dialogues : l’his­toire de la philosophie y a recueilli de précieuses indications, et des citations textuelles de philo­sophes dont on a perdu les ouvrages. C’est à Ci­céron, par exemple, que nous devons de connaî­tre, autrement que par leurs noms, plusieurs disciples distingués des écoles grecques, particu­lièrement de l’école stoïcienne. L’exactitude de ses renseignements, puisés aux sources mêmes, est, en général, irréprochable. Elle ne laisse à désirer que dans un petit nombre de passages, où Cicéron n’a pas bien compris les idées qu’il exprimait ; où par respect pour la marche du dia­logue, il a fait parler le défenseur d’un système avec les préjugés habituels de sa secte ; où enfin il a prêté à son auteur, comme on lui reproche de l’avoir fait pour Épicure, les conséquences que renfermait sa doctrine.

Dans là critique des opinions qu’il expose, Ci­céron se borne encore le plus souvent à réunir et à présenter sous une nouvelle forme les ar­guments que les différentes écoles s’adressaient l’uneà l’autre, et il se met peu en peine de les apprécier. Il semble pourtant s’être plus spécia­lement proposé la réfutation de l’épicuréisme, dont les principes choquaient tous les senti­ments élevés de son âme et que plusieurs pu­blications récentes, parmi lesquelles il faut sans doute oompter le poëme de Lucrèce, avaient signait aux préférences de ses contem­porains. On peut même penser que l’espoir de contre-balancer l’influence de ce système par celle des systèmes opposés, ne fut pas étranger à son projet d’exposer complètement les diverses doctrines philosophiques.

Cicéron n’a pas eu de disciples : le peu d’origi­nalité et de fermeté de ses opinions ne le com­portait pas ; mais ses traites de philosophie, comme ses discours oratoires, ont excité l’atten­tion et le plus souvent obtenu l’estime de la pos­térité. Les Pères de l’Églisc latine, Lactance ct saint Jérôme, saint Ambroise et saint Augustin, l’ont tour à tour loué et blâmé, imité et com­battu. A la renaissance des lettres, l’engouement dont la plupart des savants ont été pris pour le style cicéronien, a produit, entre autres résul­tats. une étude assez sérieuse des monuments de lapnilosophie. Cette étude, introduction agréable et facile à des travaux approfondis sur les philo­sophes de l’antiquité, n’a pas discontinué jusqu’à nos jours, grâce à la faveur dont jouit l’histoire de la philosophie depuis Brucker. Elle a donné lieu, particulièrement en Allemagne, à un grand nombre de dissertations spéciales, que nous allons signaler.

Consultez pour la connaissance des traités de Cicéron, toutes les éditions de scs œuvres com­plètes, et surtout celles de M. J.-V. Le Clerc, avec traduction française, 30 vol. in-8, Paris, 1821-

  1. et 37 vol. in-18, 1823 et suiv. Quelques éditeurs ont aussi publié à part les Opera philo­sophica ; nous citerons, parce qu’elles sont ac­compagnées de commentaires, l’édition de Halle, 6 vol. in-8, 1804 à 1818, par MM. Rath et Schütz, qui y ont joint les notes de Davies ; et celle de Gœrenz, 3 vol. in-8, Leipzig, 1809-1813, qui mal­heureusement est inachevée. Nous ne pouvons mentionner les innombrables éditions ou traduc­tions des différents traités de Cicéron. Nous croyons néanmoins devoir faire une exception à l’égard de la traductien allemande et du com­mentaire philosophique que Garve a donnés du de Officiis.

Pour l’exposition et l’appréciation des opinions de Cicéron, ainsi que des services qu’il a rendus à la philosophie, voyez le livre XIIe de VHistoire de Cicéron de Conyer Middleton, traduite de l’anglais par l’abbé Prévost, 4 vol. in-12, Paris, 1743 ; et les grands ouvrages d’histoire de la philosophie. Recourez, en outre, aux monogra­phies suivantes : Hùlsemann, de Indole philo­sophica M. T. Ciceronis ex ingenio ipsius et aliis rationibus aestimanda, in-4, Lunebourg, 1799 ; Gautier de Sibert, Examen de la phi­losophie de Cicéron ; trois dissertations lues par l’auteur à l’Académie des inscriptions de 1735 à 1778, et insérées dans les Mémoires de cette société, t. XLI et XLIII. La table générale men­tionne cinq mémoires ; mais les volumes qui devaient contenir les deux derniers n’ont pas été publiés ; Meiners, Oratio de philosophia Ciceronis, ejusque in universam philosophiam meritis, dans ses Vermischte philosophisclicn Schriften, t. I ; Briegleb. Programma de phi­losophia Ciceronis, in-4, Cobourg, 1684 ; et de Cicerone cum Epicuro disputante, in-4, ib., 1799 ; Waldin, Oratio de philosophia Cice­ronis platonica, in-4, Iéna, 1753 ; Fremling, Philosophia Ciceronis, in-4, Lond., 1795 ; Herbart, Dissertation sur la philosophie de Ci­céron dans les Konigsb. archiv., n° 1 (ail.) ; Kuchner, M. T. Ciceronis in philosophiam ejus­que partes merita, in-8^ Hambourg, 1825 ; Adami Bursii Logica Ciceronis stoica, in-4, Zamosc., 1604 ; —Nahmmacheri Theologia Cice­ronis ; accedit ontologiœ Ciceronis specimen, in-8, Frakenberg, 1767 ; Petri van Weselen Scliotten Dissertatio de philosophice Ciceronia­nos loco qui est de Deo, in-4, Amst., 1783 ; Essai pour terminer le débat entre Middleton et Ernesti sur le caractère philosophique du traité de Natura Deorum, en cinq dissertations, Altona et Leipzig (ail. par Franck) ; Wunderlich, Cicero ae anima pdatonizans, in-4, Viteb., 1714’Ant. Bucheri Ethica Ciceroniana, in-8, Hambourg^ 1610 ; Jasonis de Nores Brevis ct distincta institutio in Ciceronis philosophiam de vila et moribus, Passau, 1597 ; M. T. Cice­ronis historia philosophiœ antiquœ ; ex illius scriptis edidit Gedike^ in-8, Berlin, 1782. Cet ouvrage, simple recueil de passages de Cicéron accompagnés de quelques notes, a été longtemps suivi comme manuel classique d’histoire de laphilosophie