Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans les écrivains de cette période, et qui n’échappa point à ses contemporains ; c’est à cette qualité, sans doute, qu’il a dû le surnom de Doctor planus et perspicuus. Indépendamment de ses commentaires sur Aristote, publiés à Ve­nise et à Oxford, au xvie siècle, on a de lui un traité de Vita et moribus philosophorum (in-4, Cologne, 1472 ; in-P, Nuremberg, 1477), dontl’érudition ne paraît pas fort exacte, s’il est vrai qu’entre autres erreurs, l’auteur confonde Pline le Naturaliste avec Pline le Jeune.H. B.

BUTLER (Joseph), théologien et moraliste anglais, naquit, en 1692, à Wantage dans le comté de Berk. Ses parents étaient presbytériens ; mais il abjura dès sa jeunesse les principes de cette communion, pour embrasser la religion épiscopale. Cinq lettres adressées à Clarke, en 1713, au sujet de sa démonstration de l’existence de Dieu, commencèrent la réputation de Butler comme philosophe. Il y proposait au célèbre théologien des objections conçues avec une rare sagacité contre les preuves de plusieurs attributs divins, entre autres l’omnipresence. Clarke publia les lettres de son jeune adversaire avec ses propres réponses dans la première édition qu’il donna de son ouvrage, et peu après il fournit à Butler une occasion de développer ses talents et ses opinions en le faisant nommer prédicateur à la chapelle du maître des rôles. Quinze sermons prêchés à cette chapelle et publiés en 1726, in-8, ainsi qu’un Traité de l’analogie de la religion naturelle et révélée avec la constitution el le cours de la na­ture, qui vit le jour en 1756, in-4, achevèrent de placer Butler au nombre des penseurs les plus distingués de l’Angleterre. Après avoir possédé différents bénéfices et avoir été environ un an secrétaire du cabinet de la reine Caroline, il fut nommé en 1737 évêque de Bristol, et en 1750 évêque de Durham. Il est mort en 1752.

15PICT. PIIILOSLa doctrine philosophique de Butler est tout entière contenue dans ses sermons et dans une double dissertation sur l’identité personnelle et sur la nature de la vertu, qu’on trouve assez or­dinairement imprimée à la suite du Traité de l’analogie. Butler a le mérite d’avoir éclairci un des premiers la notion de l’identité du moi, al­térée par Locke et surtout par Collins. Il établit avec force que chacun de nous est convaincu de persister toujours le même pendant tout le cours de la vie, et qu’on ne peut révoquer en doute cette croyance, sans ébranler en nous l’autorité de nos facultés intellectuelles et sans tomber dans un scepticisme absolu. Il avait encore vu que la conscience et la mémoire qui nous attestent notre identité ne la constituent pas, « qu’un homme, comme il le dit, est toujours le même homme, qu’il le sache ou qu’il l’ignore ; que le passé n’est pas anéanti pour être oublié, et que les bornes de la mémoire ne sont pas les bornes nécessaires de l’existence. » En morale, Butler a démontré que l’amour de soi est si peu le principe de tou­tes les affections de la nature humaine, qu’il ne rend pas même compte des tendances personnel­les, comme les appétits. L’amour de soi recher­che, en effet, les choses comme moyens de bon­heur ; les appétits, au contraire, les recherchent, non comme moyens, mais comme fins. Chaque penchant tend à son objet simplement en vue de l’obtenir. L’objet une fois atteint, le plaisir en ré­sulte ; mais il ne fait pas distinctement partie du but de l’agent. Il y a plus, l’amour de soi ne pourrait se développer si tous les désirs particu­liers n’avaient pas une existence indépendante ; car il n’y aurait point de bonheur, puisque celuici se compose de la satisfaction des différents dé­sirs. Par ces aperçus pleins de justesse, Butler se séparait des moralistes, qui ont placé dans l’intérêt le motif et la règle de toutes les actions·

Ilest plus difficile de dire s’il a considéré la fa* culté morale comme un sentiment ou comme un pouvoir rationnel. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’audessus des passions, soit personnelles, soit bien­veillantes, il admet l’autorité de la conscience, juge suprême du bien et du mal, chargée de sur­veiller, d’approuver ou de désapprouver les dif­férentes affections de notre âme, ainsi que les actes de notre vie ; mais il ne se prononce pas sur la nature de la conscience ; il ne se hasarde même pas à la désigner par une dénomination constante. But’er, sous tous ces rapports, se mon­tre un des précurseurs de l’école ecossaise ; il a le bon sens et l’exactitude, il a aussi l’indécision et la timidité qui caractérisent les chefs de cette école. Il a paru, en 1821, une traduction française du Traité de l’analogie de la nature el de la re­ligion, in-8, Paris. Une excellente édition de ce traité, accompagnée d’une Vie de Butler et d’un examen de ses ouvrages, et suivie des deux dis­sertations dont nous avons parlé plus haut, avait été publiée en 1809, Londres, in-8, par milord Halifax, évêque de Glocester. Consultez aussi M. Cousin, Cours d’histoire de la philosophie moderne pendant les années 1816 et 1817 ; Mackintosh, Histoire de la philosophie morale, trad. de l’anglais par M. H. Poret, in-8, Paris, 1834, p. 184 et suiv. ; Jouffroy, Cours de droit naturel, XIX’·’leçon.X.

C. Dans les termes de convention par lesquels certains logiciens désignent les différents modes du syllogisme, la lettre C, quand elle est la pre­mière du mot, indique que tous les modes des trois autres figures marqués de celte initiale peu­vent être ramenés au mode de la première qui commence par la même lettre ; par exemple, que Cesare et Camestres se ramènent au mode Cela­rent. Quand celte consonne est placée dans le corps du mot, elle indique que le mode dans le nom duquel elle se trouve, par exemple Baroco ou Bocardo, ne peut être ramené au mode cor­respondant de la première figure, Barbara, qu’à l’aide d’une démonstration par l’absurde. Voy. Conversion, Syllogisme.

CABALE, voy. Kabbale.

CABANIS (Pierre-Jean-Georges), médecin, phi­losophe et littérateur, naquit à Cosnac en 1757. Confié, dès l’âge de sept ans, à deux prêtres du voisinage, il manifesta de bonne heure du goût pour le travail et de la persévérance dans ses études. A dix ans, il entra au collège de Brives ; mais là, une sévérité mal entendue, loin d’assou­plir et de discipliner un caractère naturellement irritable, n’eut d’autre résultat que de l’exaspérer et de lui donner une raideur dont il eut plus tard beaucoup de peine à se corriger.

Dans les hautes classes, dirigé par des maîtres pleins de bienveillance, Cabanis montra plus de docilité ; mais en rhétorique, maltraité de nouveau par l’un des chefs du collège, il se livra plus que jamais à toute la violence de son caractère ; il lutta d’opiniâtreté avec ses maîtres ; à de nou­velles rigueurs, il répondait par de nouvelles provocations ; enfin, et après plus d’une année de répressions rigoureuses et toujours inutiles, on finit par renvoyer à son père cet enfant rebelle.

Dans la maison paternelle, on ne sut pas mieux s’y prendre : on aigrit encore ce caractère in­domptable ; on le mit de nouveau en révolte ou­verte, et il fallut plus d’une année encore pour que son père se décidât à changer de méthode : il conduisit à Paris le jeune Cabanis et l’aban­donna complètement à lui-même. « Le parti était extrême, a dit plus tard Cabanis dans une notice citée par Ginguené et conservée dans sa famille, mais cette fois le succès fut complet. » Cabanis