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teur que celui de Logique, et qui vient des commentateurs grecs.

2° La Physique, en prenant ce mot dans le sens général qu’y donnaient les Grecs, et non dans le sens spécial où nous l’entendons actuellement. Elle se compose des ouvrages suivants : 1° la Physique, ou pour mieux dire les Leçons de Physique, en huit livres ; 2° le Traité du Ciel, en quatre livres ; 3° le Traité de la Génération et de la Destruction, en deux livres ; 4° la Météorologie,en quatre livres ; 5° le petit Traité du Monde, adressé à Alexandre, apocryphe ; 6° le Traité de l’Ame, en trois livres ; 7° une suite de petits traités appelés par les scolastiques : Parva naturalia : de la Sensation et des Choses sensibles, de la Mémoire et de la Réminiscence, du Sommeil et de la Veille, des Rêves et de la Divination par le sommeil, de la Longévité et de la Brièveté de la vie, de la Jeunesse et de la Vieillesse, de la Vie et de la Mort, et enfin de la Respiration ; 8° l’Histoire des animaux, en dix livres, dont le dernier est peut-être apocryphe ; 9° le Traité des Parties des animaux, en quatre livres ; 10° le Traité du Mouvement des animaux ; 11° le Traité de la Marche des animaux ; 12° leTraité de la Génération des animaux, en cinq livres ; 13° le Traité des Couleurs ; 14° un extrait d’un Traité d’Acoustique ; 15°le Traité de Physiognomonie ; 16° le Traité des Plantes, en deux livres, dont le texte grec a été refait à Constantinople, d’après le texte arabe et latin, en deux livres, 17° le Petit Recueil des récits surprenants, apocryphe ; 18° le Traité de Mécanique, sous forme de questions ; 19° le vaste recueil de faits de tout genre, sous forme de questions, et intitulé : les Problèmes en cinquante-sept sections ; 20° le petit Traité des lignes insécables ; 21° et enfin les Positions et les noms des vents, fragment d’un grand ouvrage sur les signes des saisons.

3° La Métaphysique, nom qui ne vient pas d’Aristote lui-même, en quatorze livres, et avec laquelle il faut classer le petit ouvrage sur Mélissus, Xénophane et Gorgias.

4° La Philosophie pratique, ou, comme le dit aussi Aristote, la Philosophie des choses humaines : la Morale, proprement dite, composée de trois traités, dont les deux derniers ne sont que des rédactions différentes des élèves d’Aristote : 1° la Morale à Nicomaque, en dix livres ; 2° la Grande Morale en deux livres ; 3° la Morale à Eudème, en sept livres ; 4° le fragment sur les Vertus et les Vices ; 5° la Politique, en huit livres ; 6° l’Economique, en deux livres, dont le second est apocryphe ; 7° l’Art de la Rhétorique, en trois livres, suivi de la Rhétorique à Alexandre, qui est apocryphe ; 8° le Traité de la Poétique, qui n’est qu’un fragment.

5° Il faudrait ajouter à tous ces ouvrages : 1° les fragments épars dans les auteurs de l’antiquité, et dont quelques-uns sont assez considérables ; 2° les poésies ; 3° enfin les Lettres, bien qu’elles ne soient pas authentiques. Jusqu’à présent aucune édition, même la plus récente, celle de Berlin, n’a donné complète cette cinquième partie des œuvres d’Aristote ; elle n’est pas cependant sans importance.

Il est impossible de donner ici, en quelques pages, une idée suffisante du vaste et profond système que renferment ces divers ouvrages, et qui a régné sans interruption, bien qu’avec des intermittences de force et de déclin, depuis Aristote jusqu’à nous, d’abord sur les écoles de la Grèce et de Rome, puis exclusivement sur toutes celles du moyen àge ; berceau de la science moderne, puis sur les écoles arabes, et qui règne souverainement encore dans les parties les plus


importantes de la philosophie, la logique entre autres, et sur les belles-lettres, la rhétorique et la poétique. Quelques observations cependant pourront faire comprendre, même en les restreignant dans d’étroites limites, comment cet empire a été et est encore légitime autant que bienfaisant.

Parmi les causes qui ont fait d’Aristote le précepteur de l’intelligence humaine, comme disent les Arabes, il faut mettre en première ligne le caractère tout encyclopédique de ses ouvrages. Nul philosophe avant lui, nul autre après lui, n’a su, doué d’un tel génie, embrasser, dans une théorie une et systématique, l’ensemble des choses. La philosophie grecque, quelque valeur qu’eussent ses recherches avant le siècle d’Alexandre, n’avait pu rien produire d’aussi complet ni d’aussi profond. Démocrite, qui, avant Aristote, a pu être appelé le plus savant et le plus laborieux des Grecs, n’avait pu entrevoir qu’une faible partie de la science. Il avait recueilli beaucoup de faits ; mais le point de vue tout matérialiste où il s’était placé ne lui avait permis de les comprendre que bien insuffisamment. Platon, dont on ne veut pas d’ailleurs rabaisser ici le mérite, et qui certainement est supérieur à son disciple par la simplicité et la grandeur morale de son système ; Platon s’était condamné, par la direction même de son génie, à ignorer une partie des faits naturels, dont il n’avait point à tenir un compte bien sérieux ; de plus, la forme de ses ouvrages ne lui permettait pas cette rigueur systématique sans laquelle une encyclopédie n’est qu’une vaste confusion, sans laquelle surtout un enseignement positif et général est impossible. Platon a, dans un sens, trouvé beaucoup mieux que cela ; il n’a pas joué le rôle de précepteur, il a joué le rôle beaucoup plus grand, beaucoup plus utile même, de législateur des croyances religieuses et des mœurs : c’est comme un prophète philosophe. Mais avant Aristote, la science éparse n’avait point été réunie en un corps ; des matériaux isolés attendaient l’architecte et ne formaient point un édifice ; c’est lui qui le construisit. Quelques historiens de la philosophie, M. Ritter entre autres, lui ont reproché d’avoir le premier introduit l’érudition dans la philosophie. La critique ne semble pas méritée. Pour composer l’œuvre totale de la science, la ranger tout entière sous une seule discipline, les forces d’un individu, quelque puissant qu’il soit, ne pourront jamais suffire. S’il ne datait que de lui seul, ce serait un révélateur ; ce ne serait plus un philosophe. Au contraire, Aristote s’est fait une gloire, et cette gloire n’appartient qu’à lui seul, d’être l’historien de ses prédécesseurs. L’odieuse accusation de Bacon est complètement fausse : loin d’égorger ses frères, comme font les despotes ottomans pour régner seuls, c’est lui qui les a fait vivre en transmettant à la postérité leurs noms et leurs doctrines. Il n’a jamais prétendu cacher tout le profit qu’il avait tiré de leurs travaux. Mais s’il doit à ses devanciers une partie des matériaux qu’il a employés, c’est à lui seul qu’il doit d’avoir su les mettre en œuvre. C’est du haut de la philosophie première, de la métaphysique dont il est le fondateur, qu’il a pu saisir, d’un regard ferme, la valeur relative de tous les faits particuliers, de toutes les notions particulières, et les classer entre elles de manière à reproduire, dans une théorie complète, l’ordre admirable de la réalité. C’est de ce faîte élevé qu’il a pu voir sans confusion, sans erreur, cette prodigieuse variété de phénomènes que l’homme et la nature présentent incessamment à l’observation du philosophe. La métaphysique fut pour lui ce que le vulgaire trop souvent ignore, la science de la réalité, la science de ce qui est, de l’être en