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qu’une intuition soit vraisemblable, elle ne l’est déjà plus.

L’école académique, à qui Arcésilas légua cette théorie de la vraisemblance, ne trouva pas la route qu’elle cherchait entre le dogmatisme et le scepticisme^ et ce n’est qu’au prix d’une pal­pable inconséquence qu’elle se mit d’accord avec le sens commun. Voyez, outre les ouvrages cités, Diogène Laërce, liv. IV, ch. vi, et la bi­bliographie de l’article Académie. Em. S.

ARCHÉE (de άρχεΐος, qui commande). Sous ce nom, qui est de son invention, Paracelse dési­gnait l’esprit vital, le principe qui préside à la nu­trition et à la conservation des êtres vivants. Placé dans l’estomac, Yarchée a pour tâche principale de séparer dans les substances alimentaires les éléments nutritifs des poisons, et de les impré­gner d’une sorte de fluide particulier, appelé teinture, au moyen duquel ces éléments sont assimilés au corps. Il ne faudrait pas cependant regarder Yarchée comme un être spirituel; c’est un corps, mais un corps astral, c’est-à-dire une émanation de la substance des astres qui de­meure en nous et nous défend contre les agents extérieurs de destruction, jusqu’au terme inévi­table de la vie (Paramirum, lib. II, ad, ini­tium). Jean-Baptiste Van-Helmont a donné à cette hypothèse une plus grande extension : Yarchée est pour lui le principe actif dans tous les corps et même dans chaque partie impor­tante des corps organisés. Il ne préside pas seu­lement aux fonctions de la vie, mais il donne aux corps la forme qui leur est propre, d’après une image inhérente et en quelque sorte innée à la semence de laquelle ils sont engendrés. C’est cette image (imago seminalis) qui, en se combinant avec le souffle vital (aura vitalis), la matière véritable de la génération, donne nais­sance à Yarchée. Le nombre des archées est in­fini. car il y en a autant que de corps organisés et d’organes principaux dans ces corps. Voy. Pa­racelse et Van-Helmont.

ARCHÉLAÜS fut, avec Périclès et Euripide, l’un des disciples d’Anaxagore. Il succéda à son maître dans l’école que celui-ci avait fondée à Lampsaque, depuis que la persécution sacerdo­tale l’avait chassé d’Athènes. Peu de temps après, Archélaüs transporta cette même école à Athè­nes, où Anaxagore l’avait d’abord établie et maintenue durant l’espace d’environ trente an­nées. Dans cette école, Archélaüs eut pour dis­ciple Socrate, qui puisa à son enseignement le goût des sciences physiques. Diogène Laërce as­sure qu’il fut le premier qui apporta d’Ionie à Athènes la philosophie naturelle. Mais cette as­sertion constitue une grave erreur, attendu qu’Archélaüs succédait à Anaxagore, et que c’est celui-ci, et non son disciple, qui apporta à Athènes la science que Thalès avait fondée en Ionie, et dans laquelle Archélaüs comptait pour devan­ciers Phérécyde, Anaximandre, Anaximène, Dio­gène d’Apollonie, Héraclite. Archélaüs fut à Athènes le propagateur de cette science, ce qui lui valut le surnom de Φυσικός, lequel, d’après Diogène Laërce, lui fut encore donné parce que la philosophie naturelle s’éteignit avec lui pour faire place à la philosophie morale, que créa So­crate. Toutefois, l’enseignement d’Archélaüs pa­raît ne s’être pas exclusivement renfermé dans la sphère de la philosophie naturelle, puisque, au rapport de Diogène Laërce, les lois, le beau et le bien, avaient fait plus d’une fois la matière de ses discours. Diogène ajoute même que ce fut d’Archélaüs que Socrate reçut les premiers ger­mes de la science morale, et qu’il passa ensuite pour en être le créateur, bien qu’il ne fit que développer l’enseignement qu’il avait reçu

Diogène ne détermine rien de précis touchant la patrie d’Archélaüs : il se contente de dire qu’il naquit à Athènes ou à Milet. Quant à l’é­poque de sa naissance, il ne la mentionne même pas. Il est difficile d’apporter ici une date cer­taine ; mais on peut cependant s’arrêter à une conjecture assez vraisemblable. On sait qu’Anaxa^ore mourut en 426, et qu’Archélaüs lui succéda dans l’école de Lampsaque. Or, il paraît probable qu’il ne devint pas chef d’école avant l’âge de quarante à cinquante ans ; et l’on est ainsi conduit à rapporter approximativement l’é­poque de sa naissance à l’une des dix années qui séparent l’an 476 d’avec l’an 466 avant l’ère chrétienne.

La cosmogonie d’Archélaüs diffère par des points essentiels de celle de ses prédécesseurs dans l’école ionienne. Les uns, Thalès, Phéré­cyde, Anaximène et Diogène, Héraclite, avaient adopté pour principe générateur un élément unique, soit l’eau, soit la terre, soit l’air, soit le feu. Les autres, Anaximandre et Anaxagore, avaient reconnu un nombre indéfini de principes^ άπειρον, une sorte de chaos primitif, une totalité confuse, έν αρχή πάντα ύμ.ού. Archélaüs, à son tour, admit une pluralité d’éléments primor­diaux. non une pluralité indéfinie, mais une pluralité déterminée, une dualité, δύο αιτίας γενεσε’ως. Maintenant, quels étaient ces deux prin­cipes ? Diogène Laërce les mentionne sous les dénominations de chaud et de froid, ce qui, vrai­semblablement, signifie le feu et l’eau. Primiti­vement confondus, ces deux principes se séparent et, en vertu de l’action du feu sur l’eau, prirent naissance la terre et l’air, de telle sorte que, dans cet ensemble, la terre et l’eau occupèrent la partie inférieure, l’air le milieu, et le feu les régions élevées. L’action du feu fit éclore du li­mon terrestre les animaux, et l’homme fut le dernier produit de cette énergie spontanée des éléments.

Bibliographie : les travaux de Brucker et de Tennemann sur l’histoire générale de la philoso-

Î>hie. Plus particulièrement : Diogène Laërce, iv. II, ch. xvi. Tiedemann, Premiers philoso­phes de la Grèce, in-8, Leipzig, 1780 (ail.). Bouterwek, de Primis philosophice grcecœ de­cretis physicis, dans le tome II des Mémoires de la Société de Goëttingue. Ritter, Histoire de la philosophie ionienne, in-8, Berlin, 1821 (ail.), et dans le tome I de son Histoire de la philoso­phie ancienne, trad. franç. par Tissot, 4 vol. in-8, Paris, 1835. C. Mallet, Histoire de la philosophie ionienne, in-8, Paris, 1842, art. Ar­chélaüs. Voy. encore quelques passages rela­tifs à Archélaüs dans Simplicius, in Phijsic. Arist., p. 6. Stobée, Ecl. I.

ARCHÉTYPE (de άρΧή et de τύπος) a le même sens que modèle ou forme première. C’est un synonyme du mot idée employé dans le sens platonicien, et, comme ce dernier, il s’applique aux formes substantielles des choses, existant de toute éternité dans la pensée divine (voy. Pla­ton, Idée, Malebranciie). Le même terme se rencontre aussi chez les philosophes sensualistes : Locke principalement en fait souvent usage dans son Essai sur l’entendement humain : mais alors il ne conserve plus rien de sa première si­gnification. Pour l’auteur de YEssai sur l’enten­dement humain, les idées archétypes sont celles qui ne ressemblent à aucune existence réelle, à aucun mode en nous, ni à aucun objet hors de nous. C’est l’esprit lui-même qui les forme par la réunion arbitraire des notions simples, et c’est pour cela, parce qu’elles ne peuvent pas être considérées comme des copies des choses, qu’il faut les admettre au nombre des formes premières