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plus repoussante des chimères, à l’inconnu. C’est au fond de cet abîme, où il est impossible de discerner le bien du mal et l’existence du néant, que le mysticisme nous invite à nous précipiter ; c’est là qu’il nous montre notre principe et notre fin, le principe et la fin de tous les êtres. Ce n’est pas nous qui tirons ces conséquences, c’est l’histoire. Partout ou le mysticisme a paru, il a méconnu la liberté, la raison, la nature ; il a abaissé l’homme jusqu’à lui inspirer la plus coupable indifférence sur ses actions et sa destinée ; il a confondu toutes les idées et toutes les existences, nous ne dirons pas dans le sein de Dieu, mais clans la nuit du néant qu’il adore à sa place. Ajoutons que le mysticisme n’est pas moins contraire à la religion qu’à la philosophie, au principe de l’autorité qu’à celui du libre examen ; sa constante préoccupation a été de les concilier ensemble, et, dans le fait, il n’a abouti qu’à les nier l’un et l’autre.

Le panthéisme seul, tel qu’il a été conçu et développé en Allemagne par deux hommes d’un rare génie, a pu séduire quelque temps des esprits sérieux, et n’est pas incapable de les ébranler encore ; mais quels nouveaux développements est-il susceptible de recevoir ? Depuis les plus humbles phénomènes de la matière jusqu’à l’être infini, il a eu l’ambition de tout embrasser dans son sein, de tout expliquer, de tout comprendre ; et, autant que sa nature et celle de la raison le permettaient, il a réussi dans cette entreprise. Il a subordonné à son point de vue, et comme assimilé à sa substance, non-seulement la philosophie dans toutes ses parties et avec tous les systèmes qu’elle a mis au jour, mais toutes les autres sciences, sans en excepter une ; et aux sciences, il a ajouté l’histoire de l’art et de la religion. Enfin, rien ne manque à cette vaste et brillante synthèse, si ce n’est deux choses absolument incompatibles avec le principe du panthéisme, mais dont l’humanité ne fait pas volontiers le sacrifice : la conscience, c’est-à-dire la providence divine et la liberté humaine. Aussi, à peine debout, cette nouvelle tour de Babel, qui devait combler l’intervalle du ciel à la terre, s’est écroulée sous son propre poids ; l’un des architectes n’a plus voulu la reconnaître, et s’est mis à construire, sur d’autres fondements, un édifice tout nouveau ; les ouvriers qui ont aidé à la bâtir et les hôtes très-divers, théologiens, philosophes, naturalistes, historiens, hommes d’États, jurisconsultes, qu’elle avait un instant réunis dans sa magnifique enceinte, se sont dispersés dans toutes les directions, ou sont restés pour se faire la guerre les uns aux autres. En un mot, l’anarchie et la discorde n’ont pas tardé à se montrer dans l’école de Schelling et de Hegel. La division s’est d’abord établie entre les maîtres, puis elle est descendue aux disciples. Les uns ont conservé le principe idéaliste et le caractère élevé de cet audacieux système, les autres se sont tournés vers le mysticisme ; d’autres sont descendus jusqu’au matérialisme le plus abject.

La conclusion qui sort de ces faits, et par laquelle nous voulons finir, c’est que la bonne et la mauvaise métaphysique ont dit également à peu près leur dernier mot ; c’est que la carrière de la métaphysique, au lieu de s’étendre, doit plutôt se restreindre avec le temps. Il est impossible, en effet, que dans une science dont les principes et les limites sont aussi absolus on ne unisse pas par arriver au but. Ce n’est pas ici, propre du mot, le champ des découvertes. Il n’est pas en notre pouvoir de rien ajouter, soit pour le nombre, soit pour la portée et la valeur, aux éléments nécessaires de la raison ; il s’agit seulement de n’en rien supprimer, c’est-à-dire de les embrasser tous et tout entiers dans une doctrine également éloignée de toute fausse modestie et de toute chimérique ambition, où la conscience, où la raison du genre humain puisse réellement se reconnaître. Pour cela il faut pratiquer, dans toute sa rigueur, la méthode que nous avons indiquée, la méthode d’observation et d’expérience, analytique et synthétique en même temps, qui ne sépare point la raison de la conscience, ni la conscience de la liberté, ni la liberté du milieu dans lequel elle s’exerce, et des autres forces dont elle suppose l’existence. N’oublions pas que si les idées de la raison ne portent pas en elles-mêmes leur démonstration, ou le signe de leur valeur absolue, il n’y a ni hypothèse, ni raisonnement, ni dialectique qui puissent suppléer à leur insuffisance, car c’est sur elles précisément que reposent la légitimité de toutes les opérations de notre pensée et la certitude de tous les résultats qu’elles peuvent nous offrir. C’est à cette condition que la métaphysique reconquerra le respect et l’influence qu’elle a perdus, qu’elle offrira à la fois une base solide à la spéculation et à la morale ; que par la morale elle pourra agir sur la société, affermir les croyances, corriger les doctrines, et soutenir les mœurs. La métaphysique ainsi comprise, il est à peine besoin de le dire, ne sera pas autre chose que le spiritualisme ; car le spiritualisme n’est pas un système particulier ; c’est la synthèse de tous les principes que les systèmes se partagent entre eux, et qu’ils détruisent en partie ou annihilent complètement par ce partage.

Une bibliographie de la métaphysique serait celle de la philosophie tout entière ; nous nous contenterons donc de renvoyer aux auteurs que nous avons nommés dans le cours de cet article, c’est-à-dire aux maîtres de la science.

MÉTEMPSYCHOSE, par corruption métempsycose (de μετά et de ψυχή, passage de l’âme d’un corps dans un autre, transmigration des âmes). Il est également difficile à l’homme de croire, ou, si l’on peut parler ainsi, de consentir à l’anéantissement de lui-même, et de concevoir une existence complètement différente de celle qu’il possède aujourd’hui, c’est-à-dire une vie indépendante des sens et des lois de l’organisme. De là la supposition que notre âme revêt successivement plusieurs corps, et donne la vie à plusieurs êtres qui ne diffèrent les uns des autres que par leurs formes extérieures ; delà l’idée de la métempsychose. L’idée de la métempsychose, que semblent justifier d’ailleurs plusieurs phénomènes de la nature et le cercle où se meuvent les éléments, est donc la première forme sous laquelle le dogme de l’immortalité s’est présenté à l’esprit humain. Aussi la trouvons-nous presque sans exception au berceau de toutes les religions et de toutes les philosophies de l’antiquité, et à mesure qu’elle s’éloigne de son origine, elle semble perdre de son empire et s’offrir a nous avec un caractère plus élevé.

Si nous nous en rapportons au témoignage du père de l’histoire (Hérodote, liv. II, § 123), les Egyptiens furent de tous les peuples le premier qui adopta l.i croyance de l’immortalité de l’âme, et c’est aussi à eux qu’il attribue l’invention de la métempsychose. US pensaient que notre âme, immédiatement après la mort, entrait dans quelque autre animal, appelé à l’instant même à itence, et qu’après avoir revêtu les formes de tous lés animaux qui vivent sur la terre, dans l’eau et dans les airs, elle revenait, au bout de trois mille ans, dans le corps d’un homme, pour recommencer éternellement le même pèlerinage ’les révolutions astron