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— Je n’ai pas réclamé.

— Votre étonnement était pire qu’une exigence formelle. Monsieur Tintouin, cette conduite me navre. C’est me faire payer bien cher quelques annonces parues dans votre gazette, et que je ne vous avais pas encore réglées… Au surplus, vous avez tous les droits, mais si vous exigez vos dividendes les deux premières années, il est clair que du même moment vous perdez toute participation à l’affaire autrement importante du bazar. C’est cinquante ou soixante mille francs par an que vous abandonnez.

— Mais enfin, protesta suprêmement M. Tintouin, cette mine d’alcool du Caucase, où est-elle ?

— Dans le Caucase, certes ! s’écria M. de Meillan. Une mine d’alcool du Caucase n’a pas l’habitude de se trouver dans la République Argentine.

— Je veux dire : est-on bien sûr de son existence ?

— Si l’on est sûr de son existence ! s’indigna l’amphitryon, ah ! c’est trop fort ! Douter de l’existence de ma mine !

Étouffant, il se leva, puis se rassit, puis but un verre plein d’eau pour se remettre d’une telle alarme.

— Pourtant, reprit M. Tintouin, je ne l’ai pas vue.

— Voilà une preuve ! Et moi, croyez-vous que je l’aie vue ? Et Mazarakis, qui l’achète de compte à demi avec moi, pensez-vous qu’il l’ait vue ? Depuis quand a-t-on besoin de voir une marchandise pour l’acquérir, la préparer, la débiter, la vendre ? Comme capitaliste, monsieur Tintouin, vous manquez d’envergure. Moi qui ne suis qu’un modeste découvreur d’affaires, je possède autrement d’audace.

— Vous n’avez rien à perdre.

— Rien à perdre ! Mais, vous moquez-vous de moi ? Et mes parts de fondateur ? et mes engagements vis-à-vis de