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— Puisse-t-elle le demeurer longtemps !

— Si elle est prise à cette époque, tant pis… D’ailleurs je ne tiens pas à rester à Marseille. Mon rêve serait de faire bâtir au bord de la mer, entre Nice et Menton, une villa au milieu des pins… j’ai le plan tout fait dans ma tête. Un jour où j’aurai une minute, je m’amuserai à te le dessiner, avec les épures en double, l’élévation et tous les graphiques voulus… Tout cela grâce à Mazarakis. Ah ! je dois une fière chandelle à ces deux pauvres hurluberlus… pas fichu de me rappeler leurs noms ! Tu dois bien le savoir, toi : tu les a vus une fois à ce restaurant italien, où nous avions été goûter de la polenta avec Cabillaud et Polaillon.

— ?…

— Enfin, peu importe. Mais tu ne songes pas qu’il est deux heures du matin ? On va nous mettre à la porte même de ce bar. Sale endroit ! C’est bien pour toi que j’y suis venu, car je n’avais plus rien à faire, et si je ne t’avais pas promis de te ramener à ta sortie de chez tes ras-tas, à cet heure, je dormirais, ainsi qu’un honnête homme doit le faire lorsqu’il a, le lendemain, un travail comme celui qui m’attend sur ma table. À propos, t’es-tu bien amusé ?

— Pas trop mal… J’ai rencontré Paillon.

— Comment ! Paillon… Il m’a encore refait de cent sous, il n’y a pas trois heures.

— Je le sais. Il était même indigné de ne pas avoir obtenu davantage.

— Pauvre Paillon ! Tu connais son héritage des Doges ? Une histoire à dormir debout. Il y croit. D’ailleurs, s’il n’y croyait pas, comment vivrait-il ? Ce n’est pas avec ses confitures de pieds de taureaux, qu’il vend clandestinement à des pharmaciens de la banlieue, pour guérir les