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des Rappapont et des Bombard, et en ramassant au passage la tribu étrange et brillante des Défayyantz, miraculeusement échappée tout entière aux derniers massacres d’Arménie.

Jacques de Meillan, écrasé de reconnaissance, restait au lit, pensant à Madame Morille et à ce que pouvait être chez elle un grand bal. Des petits bals, il en avait vu partout, des petits bals où l’on danse en jaquette et même en veston entre deux parties de nain jaune, aux sons d’un orchestre que dirige et constitue à elle seule quelque vieille tante sourde, assise devant un piano en location, et s’y souvenant des valses qui furent belles sous l’Empire.

Ces petits bals, les Lanturlut et les Bombard lui en avaient donné la nausée. Ils ne prêtaient à aucune exaltation, ils étaient sans apprêt et sans imprévu. Mais Madame Morille…

À midi, il se leva, et il fut fort satisfait d’apprendre, en consultant la bonne, que son père ne rentrerait pas déjeûner. Il était parti dès neuf heures, parlant entre ses dents de grosses affaires, d’affaires très importantes qui le retiendraient probablement jusqu’au soir, si tant est d’ailleurs qu’il lui fût possible de rentrer. Car cette rentrée du soir elle-même était subordonnée à un rendez-vous extrêmement capital après lequel il serait peut-être obligé de prendre le rapide de Constantinople, sans avoir le temps de faire sa valise.

— C’est bien, Eugénie dit-il. Je déjeûnerai seul, et si mon père va chez les Turcs, je dînerai seul. Vous me servirez dans ma chambre, et vous vous rappellerez que je n’y suis pour personne. Et, en outre, vous aurez l’obligeance de vous tenir à ma disposition toute l’après-midi.

Eugénie protesta :