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là, sentant la présence d’un corps vivant, il était entré. Aucun scrupule ne l’avait retenu de grimper sur le lit et de s’attaquer avec l’énergie du désespoir à ce monsieur paralysé.

Jacques se saisit du pauvre oiseau de proie, malgré une résistance terrible, et le réintégra dans la cuisine où il fut effrayé d’ailleurs de ses yeux fixes et de l’expression de sa physionomie. Il éventra une boîte de corned-beef, la dernière réserve pour un cas suprême, et la lui offrit, se sauvant pour ne pas voir la suite.

— Mais qu’as-tu donc fait, soupirait M. Cabillaud, qu’as-tu fait toute la soirée et toute la nuit ? J’ai manqué plus de trois fois offrir ma dépouille aux personnages de l’arrière-mou de, moi, pendant ton absence. Paillon a donc refusé de venir ?

— Ne me parlez point de Paillon.

— Il a encore commis quelque indélicatesse flagrante ?… Ça ne m’étonne pas… Mais enfin, ce n’était point une raison pour m’abandonner comme tu l’as fait, une nuit entière.

— Je vous demande pardon, c’est là précisément la raison qui m’a empêché de rentrer.

— Décidément la jeunesse d’aujourd’hui est pleine de mystère… Tu es libre de faire ce qu’il te plaît, mais, je t’en supplie, une autre fois, songe à moi, pense que je ne peux plus bouger… Mes douleurs vont mieux, grâce à la réaction causée par ma lutte contre ce vautour… Conçois-tu que cet animal m’avait senti, à travers toutes les cloisons ?… Et l’on dit qu’ils sont attirés surtout par les viandes en décomposition… Véritablement, suis-je donc si avancé ? C’est terrible ! Après tout, ça ne m’étonnerait pas : je n’ai rien mangé depuis hier matin.

— Oh ! mais, c’est vrai. Mon Dieu !…