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Maintenant que la vingt-sixième année, comme un ver dans le fruit de sa jeunesse vermeille, y commence un travail néfaste et l’altère déjà de ces tons inquiétants que l’optimisme appelle maturité, mais qui pour lui ne sont que les signes avant-coureurs de la décrépitude et de la décadence morale et physique, je pense qu’il faut que je me hâte de recomposer par le souvenir la figure que fit dans le monde mon ami Jacques de Meillan, dans la fleur de sa saison.

Ô toi que j’envisage comme un être bienveillant et sensible, ô toi qui as acheté sur moi tous les droits pour tes trois francs et même pour tes quinze sous, si tu as eu la patience de me rechercher, dans une des boîtes des quais de la Seine, quelques jours après ma publication, ô incomparable et fraternel lecteur, puissant lecteur, ne dis pas, je t’en prie, ne dis pas que cette histoire est sans intérêt : d’abord parce que tu n’en sais rien, ensuite parce qu’ainsi, de la faute d’une appréciation anticipée, tu m’ôterais toute raison d’être… et de paraître. Et, je te le demande, qu’est-ce que je serais si je ne paraissais pas ?

Et puis je t’assure, pour peu que tu aies aimé les femmes, la mer, les couchers de soleil, la littérature symbolique, les relations au hasard et les petits animaux familiers et que tu aies trouvé, en toutes ces formes de tes