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Qui, groupés sous l’abri de vos branches compactes,
Mêlaient leur chant de guerre au bruit des cataractes ?
Sous le ciel étoilé, quand les vents assidus
Balancent dans la nuit vos longs bras éperdus,
Songez-vous à ces temps glorieux où nos pères
Domptaient la barbarie au fond de vos repaires ?
Quand, épris d’un seul but, le cœur plein d’un seul vœu,
Ils passaient sous votre ombre en criant : — Dieu le veut !
Défrichaient la forêt, créaient des métropoles ;
Et, le soir, réunis sous vos vertes coupoles,
Toujours préoccupés de mille ardents travaux,
Soufflaient dans leurs clairons l’esprit des jours nouveaux ?

Oui, sans doute ; témoins vivaces d’un autre âge,
Vous avez survécu tout seuls au grand naufrage
Où les hommes se sont l’un sur l’autre engloutis ;
Et, sans souci du temps qui brise les petits,
Votre ramure, aux coups des siècles échappée,
À tous les vents du ciel chante notre épopée !