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victoire aux généraux anglais, puis tout un peuple livré à la conquête :

Et notre vieux drapeau, trempé de pleurs amers,
Ferma son aile blanche et repassa les mers !…

C’est cette Légende, cette épopée que raconte en beaux vers, vibrants et sincères, le poète canadien Louis Fréchette. Je ne doute pas de l’accueil que réserve à ce livre le public français. Voilà certes un volume de poésie d’une valeur toute spéciale. C’est une page d’histoire qui est en même temps une œuvre inspirée. Très érudit, connaissant notre langue comme un Français lettré du temps de Louis XIV, et nourri, en outre, des lyriques du XIXe siècle, M. Fréchette est un indépendant, c’est-à-dire qu’il osera volontiers, qu’il risquera tel hiatus ou telle rime voulue pour donner plus d’accent à un vers ou plus d’harmonie à une rime. Il tient à séduire l’oreille avant les yeux.

Il écrira ce vers :

On entendit partout ce cri : « À Notre-Dame ! »
quand il lui serait très facile de mettre ces cris ; c’est que volontairement il cherche le mouvement, la vie, et ne s’astreint pas servilement à la règle, quand il croit que d’une émancipation quelconque doit résulter une beauté. Et en cela encore il est du libre pays qui fut une autre France.

Qui fut ! disons : qui est. Aux jours de la Saint-Jean, lorsqu’au soleil des fêtes nationales, dans son étui de soie, passe le vieux drapeau, le drapeau de Montcalm à la bataille de Carillon, le drapeau fleurdelisé troué de balles, le cœur des Canadiens bat