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Un ravissant tableau ! Dans le cadre assombri
De l’immense forêt qui lui prête un abri,
Une calme clairière où l’on voit, flot mouvant,
Les blés d’or miroiter sous le soleil levant ;
À genoux sur la glèbe, et tête découverte,
Les travailleurs penchés sur leur faucille alerte ;
Deux enfants poursuivant le vol d’un papillon ;
Et puis ce petit ange, au revers d’un sillon,
Parmi les épis mûrs montrant sa bouche rose…
C’était comme idylle au fond d’un rêve éclose.

Qu’advint-il ? On ne l’a jamais su tout entier.
Ce matin-là, quelqu’un, en suivant le sentier
Qui conduisait du fort à la rive isolée,
Entendit tout à coup, venant de la vallée
Où Jacque était allé recueillir sa moisson,
Quelque chose d’horrible à donner le frisson.
C’étaient des cris stridents, aigus, épouvantables ;
Et puis des coups de feu, des plaintes lamentables,
Appels désespérés et hurlements confus
Frappant lugubrement l’écho des bois touffus.
Les farouches rumeurs, longtemps se prolongèrent ;
Longtemps dans le lointain des clameurs s’échangèrent ;