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PIERRICHE

vie d’y aller toi-même. Ma bonne vérité, je crois que tu en ferais du propre…… Ah ! les femmes ! les femmes ! ne m’en parlez pas, un homme fait dix fois plus de besogne qu’aucune d’elles dans une journée. »

Bref, hiver comme été, printemps comme automne, Pierriche, le bon Pierriche, l’excellent Pierriche, le modèle du canton et de bien loin, chantait toujours la même gamme, rien que la même gamme, à propos de tout et à propos de rien.

Que voulez-vous, c’était passé chez lui à l’état de maladie chronique, de tic douloureux ; il ne pouvait plus vivre sans grogner, et il grognait d’autant plus que Madelon, cette pauvre chère Madelon, ne répondait à ses rebuffades que par des larmes dévorées en silence et une patience angélique.

* * *

Il y avait déjà environ huit ans que Pierriche, devenu son propre bourreau, tirait continuellement à boulets rouges sur son bonheur conjugal, lorsqu’un beau soir, ou plutôt un vilain soir qu’il était revenu plus maussade et plus bourru que de coutume, il se mit à dire et à redire, répéter et répéteras-tu son éternelle complainte :

« Si les femmes sont bonnes à quelque chose, assurément elles ne sont pas bonnes à grand’chose… Un homme fait dix fois plus de besogne qu’aucune d’elles en une journée. »

Cette fois Madelon n’y tint plus ; on se serait lassée à moins. S’il est vrai que les airs les plus beaux finis-