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LES CHOSES QUI S’EN VONT

vieux colosse se prêter si complaisamment aux caprices des tout petits, et subitement apprivoisées elles-mêmes par sa douceur, elles bâtissaient leurs nids dans la grand’roue. Pour calmer alors la sollicitude inquiète du jeune couple, le moulin laissait garrotter ses bras de géant avec les souples liens de leurs envols gracieux, noués et renoués sans cesse près du nid. Il devenait si impassible, que la mousse veloutait son frein, jusque sous la roue, tandis qu’à ses pieds, l’herbe St-Jean, la marguerite et le pissenlit lui prodiguaient leurs peu estimables richesses.

Lorsqu’à l’automne, les hirondelles repartaient avec la génération nouvelle pour le « pays où fleurit l’oranger », le moulin, témoin discret de leur bonheur passé, les regardait partir et les suivait très loin, de son geste d’adieu triste.

Seule la neige qui avait rencontré les voyageuses en chemin et qui lui en apportait des nouvelles, avait le pouvoir de le réveiller, de le tirer de son engourdissement. Obéissant alors aux secrètes puissances du devoir, et peut-