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LES CHOSES QUI S’EN VONT

neige soyeuse, ils s’éloignaient, mais sans la quitter, puisque c’était toujours pour penser à elle.

Après avoir vécu ainsi, un gros morceau de siècle, dans un commerce si intime avec la terre, ils voyaient arriver sans horreur le moment d’aller se reposer entre ses bras des fatigues de la vie. Ils avaient toujours été bons pour elle : ils savaient qu’elle serait bonne pour eux, qu’elle leur « serait légère », selon le vœu antique. N’avaient-ils pas cette consolante assurance d’être les germes de dieux en fleurs qui doivent s’élancer de son sein, pour aller s’épanouir dans la saison sans fin de l’éternité ?

Ah ! l’ont-ils aimé leur bien, nos chers vieux ! Ce bien qui fut presque tout leur univers ; où ils ont vécu et souri, puis aimé et pleuré. Ils l’ont aimée, la terre, parce qu’avec ces fortes pensées de la foi, qui étaient comme le fond de leur âme, ils ont reconnu combien Dieu lui-même l’avait aimée pour l’avoir faite si belle, alors que son doigt puissant y traçait les routes fleu-