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LES CHOSES QUI S’EN VONT

avoir pris leur lot en bois debout, l’avoir déserté, ésouché, éroché, ils en retournaient cent fois, une à une, toutes les mottes, comme pour en prendre une connaissance intime. Puis après l’avoir parée de l’opulente moisson qui lui sied si admirablement ; parce que la terre était belle autant que bonne ; et qu’un des premiers effets de la beauté sur un cœur est de le rendre sympathique et affectueux, ils l’aimaient de toute leur âme. Près d’elle, avec, au front, ces sueurs qui sont comme autant de perles d’une couronne royale, ils se trouvaient vraiment rois. Les ancêtres ne leur avaient-ils pas légué ces gestes forts et graves mais toujours harmonieux ; nobles attitudes apprises au temps du bonheur, et dont ils se couvraient avec orgueil comme d’un vêtement de beauté, comme d’un manteau de splendeur.

Pour obéir à la loi du travail devenue très douce avec elle, ils lui demandaient leur pain, avec autant de douceur et de respect que de noblesse. Ils croyaient trouver là, une ébauche de