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LES CHOSES QUI S’EN VONT

Porté à croire que Jéhovah a refondu pour le xxe siècle les vieux statuts de la Genèse, le cultivateur observe déjà à la lettre le nouveau texte, encore inédit, mais dont il a sans doute eu révélation : « Tu mangeras ton pain à la sueur de tes chevaux ! » Aussi ne daigne-t-il plus toucher la terre, même du bout des pieds. Comme tout homme d’ailleurs, né maître-ès-arts dans la science de prendre ses aises, il laboure et herse, sème et moissonne en se promenant avec une superbe indifférence, monté sur des machines rayonnantes, vrais engins de fer tirés par des chevaux ferrés.

La terre ? Après l’avoir brisée, avoir fouillé ses entrailles avec des lames d’acier, l’avoir dépouillée de ses vêtements et de ses richesses, il la quitte sans même un regard de pitié. Il la force, la meurtrit ; elle se laisse dépouiller, humble, obéissante et généreuse toujours ; mais elle garde son amour.

Non, vraiment, la terre n’est plus aimée de cet amour tendre et profond que lui portaient nos pères. Après