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LES CHOSES QUI S’EN VONT

Le rouet, d’ailleurs, a non seulement des droits incontestables à nos égards pour les services qu’il nous a rendus, mais par sa souple élégance au repos, sa joliesse glorieuse au travail, il a droit aussi à notre admiration, et c’est toujours, vous le savez, une forme de l’amour.

Taillé dans le plus beau bois d’érable ou de hêtre ; façonné avec une piété nationale, je dirais, par un art qui sait allier la grâce à la force, le rouet prenait, avec le temps et sous les caresses répétées des mains amies, une patine couleur de feuilles mortes saupoudrées de bronze. Les pieds, soigneusement dégrossis au tour, supportaient le corps délicat et droit, au-dessus duquel la tête — la grand’roue — apparaissait, aux heures de travail, toute nimbée de gloire. Oh ! le joli petit rouet !

Plus bas que la tête et plus haut que les pieds — et pourquoi ne dirions-nous pas : dans ses mains — le rouet retenait prisonnière une colombe au bec et aux griffes d’argent, dont l’ardeur vorace arrachait, des mains de la fileuse, les