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LES CHOSES QUI S’EN VONT

ront bientôt passé une cinquantaine de printemps et d’étés, avec autant d’automnes et d’hivers, et qui ont résisté à tout.

M’en voudront-ils de leur rappeler ce temps-là ?

Quand on était petit, chez nous, alors que le soleil du printemps avait séché la pelouse qui s’étendait en arrière de la maison, on partait pour les terres neuves.

Une vieille faucille nous servait à la fois de hache, de godendard et de serpe. Nos abattis terminés — des herbes St-Jean et des rapaces — en descendants authentiques de Normands que nous étions, on élevait des clôtures qui devaient sauvegarder ces domaines défrichés à la sueur de nos jeunes fronts, contre les appétits concupiscibles d’autres concessionnaires de la même race.

Les allumettes de cèdre dont nos grands-pères se servaient pour allumer leur calumet à la petite porte du poêle, nous fournissaient le matériel. Armés d’une hache-à-bardeau en guise de masse, nous plantions de petits piquets