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LES CHOSES QUI S’EN VONT

rythme vainqueur de ses tons délicieusement pâlis.

Et comme au cinéma, je revoyais passer devant mes yeux, une à une, certaines toiles des peintres de chez nous ; tel ou tel tableau de Suzor Côté ou de Franchère, de Morrice ou de Cullen, de Delfosse ou de Brymner, comme aussi les dessins si vigoureusement burinés par un Julien ou un Massicotte.

Certes, toute beauté est naturelle : toutefois, tout ce qui est naturel n’est pas beau. Il fallait donc que nos peintres fussent supérieurement doués de goût et de talents, pour faire briller sur les traits plutôt sauvages de notre pays, la beauté divine de l’expression. Certaines de leurs pages ne décevraient pas un lecteur de Chateaubriand : elles possèdent assez d’harmonies pour faire chanter un Lamartine ; assez d’esprit et de grâce pour faire raisonner un Ruskin ; assez d’éclectisme — si le mot peut s’appliquer à la chose — pour faire philosopher un Taine.

Je m’arrête. Libre jusqu’ici comme le cheval du désert qui ignore les en-