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LES CHOSES QUI S’EN VONT

saucisses et boudins, tête-au-fromage et gretons. Le buffette était débarré, et les catinages en sortaient : tartes, biscuits, confitures et gelées. Le maître et la maîtresse de la maison ne manquaient pas de dire, en remettant les assiettées combles : « Mangez votre besoin, faites comme chez vous » ; ou encore : « et il y aura du revenez-y : quand il n’y en aura plus, il y en aura encore. »

Il va sans dire, que ceux qui avaient de la parlette ou de la jase s’en donnaient, quittes à rachever après les autres, et à recevoir les pataraphes de gros mangeux, de défoncé, de moins malaisé à charger qu’à rassasier.

Après le repas, les créatures aidaient à dégrayer la table et à laver la vaisselle. Les garçons faisaient leurs petits Jean Lévesque, à tirer au poignet, ou à fesser sur la porte de la cave à s’en plumer les joints. Parmi les vieux, les uns allaient faire un somme sur le bord du fanil ; les autres parlaient, selon la tradition, de leurs brus et de leurs gendres.

Puis il fallait se rhabiller en s’étirant comme des arpenteurs de gadelles.