Page:Frère Gilles - Les choses qui s'en vont, 1918.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
LES CHOSES QUI S’EN VONT

pu sténographier quelques-unes de ses histoires vraies ! Écoutons-le raconter à la Fradette, sa voisine de braye, la genèse de sa journée. « Je me couchis hier au soir la puce à l’oreille, et vingt vices, je me réveillis bien dix fois dans la nuite. Vers les quatre heures du matin, je vis, la tête sur l’orillette, le su qui commençait à blêmir. Je me levis, j’allumis le poêle, mis les pataques au feu et me recouchis pour dormir un petit bout de somme de rien en toute. Je me levis tout de bon sur les six heures, je fis ma prière et je déjeunis — les pataques étaient en phrasie dans la chasse-pinte. Ensuite de ça, je barris la porte et vins allumer le feu. » Ceci est de l’histoire moderne et se disait sur le ton de conversation. Le ton et l’attitude changeaient du tout au tout, lorsqu’il exhumait de ses anciens souvenirs les détails épiques d’avaries, de marchances ou de tours dont il avait été jadis le témoin. Ceci par exemple, closant je ne sais plus quelle aventure : « la canne silit de magnière qu’elle lui fracassit le crabe de la tête ; puis les gens