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LES CHOSES QUI S’EN VONT

— « Savez-vous ce que c’est que faner ? » écrivait déjà Mme de Sévigné à M. de Coulanges. Et elle répondait : « Faner est la plus jolie chose du monde, c’est retourner le foin en batifolant dans une prairie ; dès qu’on en sait tant, on sait faner. »

Rien de joli en effet comme les mouvements capricieux et enjoués des faneuses au travail. Une grâce rustique, captivante comme toutes les grâces, préside à cette cérémonie d’incantation. Le rite champêtre se déroule au-dessus des champs dépouillés, que les gracieuses magiciennes revêtent d’un opulent manteau, dont elles font ressortir toutes les broderies. Le parfum des foins secoués embaume, comme un encens, l’air chaud où les brocques des faneuses les projettent, avec les signes cabalistiques dont elles ont le ravissant secret. Toutes les fleurs déjà fanées, après un dernier baiser de soleil, retombent sur les ailes de leurs capines, sur leurs épaules et autour d’elles, partout…

Toutefois, faner n’était pas toujours