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À MONSIEUR DE LAMARTINE.

Courant en tilbury, sans regarder le ciel ;
Et l’on disait : demain il part pour la Toscane,
De la diplomatie il va sonder l’arcane,
Avec un titre officiel.

Alors je dis : heureux le géant romantique
Qui mêle Ézéchiel avec l’arithmétique !
De Sion à la Banque il passe tour à tour :
Pour encaisser les fruits de la littérature,
Ses traites à la main il s’élance, en voiture,
En descendant de son vautour.

D’en haut tu fais tomber sur nous, petits atomes,
Tes Gloria Patri délayés en des tomes,
Tes psaumes de David imprimés sur vélin :
Mais quand de tes billets l’échéance est venue,
Poète financier tu descends de la nue,
Pour traiter avec Gosselin.

Un trône est-il vacant dans notre académie ?
À l’instant sans regret tu quittes Jérémie
Et le char d’Élisée aux rapides essieux ;
Tu daignes ramasser, avec ta main d’Archange,
Des titres, des rubans, joyaux pétris de fange,
Et tu remontes dans les cieux.

On dit même aujourd’hui, poète taciturne,
Que tu viens méditer sur les chances de l’urne ;
Que le front couronné d’ache et de nénuphar,
Appendant à ton mur la cithare hébraïque,
Tu viens solliciter l’électeur prosaïque,
Sur l’Océan et sur le Var.

Ô frère ! cette fois j’admire ton envie,
Et tu pousses trop loin le dégoût de la vie :
Nous avons bien permis à ton modeste orgueil