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LAURA

Hurle en signe de joie, et prépare d’avance
Ses larges crocs pour le festin.
Et puis vient la cohue, et les abois féroces
Roulent de vallons en vallons ;
Chiens courants, et limiers, et dogues et molosses,
Tout s’élance et tout crie : Allons !
Quand le sanglier tombe et roule sur l’arène,
Allons ! allons ! les chiens sont rois !
Le cadavre est à nous, payons-nous notre peine,
Nos coups de dents et nos abois.
Allons ! nous n’avons plus de valet qui nous fouaille
Et qui se pende à notre cou ;
Du sang chaud, de la chair, allons ! faisons ripaille,
Et gorgeons nous tout notre saoul.
Et tous, comme ouvriers que l’on met à la tâche,
Fouillent ses flancs à plein museau,
Et de l’ongle et des dents travaillent sans relâche.
Car chacun en veut un morceau.
Car il faut au chenil que chacun d’eux revienne
Avec un os demi rongé,
Et que trouvant au seuil son orgueilleuse chienne,
Jalouse et le poil allongé,
Il lui montre sa gueule encor rouge et qui grogne,
Son os dans les dents arrêté,
Et lui crie en jetant son quartier de charogne :
« Voici ma part de royauté ! »


LAURA


Dans Avignon la Sainte, à l’ombre d’une tour,
Parmi les murs croulés d’un cloître solitaire,
Deux noirs et longs cyprès groupés avec mystère,
Et quelques fûts de marbre allongés à l’entour,