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BARBIER (AUGUSTE).

Mais, ô honte ! Paris, si beau dans sa colère,
Paris, si plein de majesté
Dans ce jour de tempête où le vent populaire
Déracina la royauté ;
Paris, si magnifique avec ses funérailles,
Ses débris d’hommes, ses tombeaux,
Ses chemins dépavés et ses pans de murailles
Troués comme de vieux drapeaux ;
Paris, cette cité de lauriers toute ceinte
Dont le monde entier est jaloux,
Que les peuples émus appellent tous la sainte,
Et qu’ils ne nomment qu’à genoux ;
Paris n’est maintenant qu’une sentine impure,
Un égout sordide et boueux,
Où mille noirs courants de limon et d’ordure
Viennent traîner leurs flots honteux :
Un taudis regorgeant de faquins sans courage,
D’effrontés coureurs de salons,
Qui vont de porte en porte et d’étage en étage
Gueusant quelques bouts de galons ;
Une halle cynique aux clameurs insolentes
Où chacun cherche à déchirer
Un misérable coin des guenilles sanglantes
Du pouvoir qui vient d’expirer.

Ainsi quand désertant sa bauge solitaire
Le sanglier, frappé de mort,
Est là, tout palpitant, étendu sur la terre,
Et sous le soleil qui le mord ;
Lorsque blanchi de bave et la langue tirée,
Ne bougeant plus en ses liens,
Il meurt, et que la trompe a sonné la curée
À toute la meute des chiens ;
Toute la meute alors, comme une vague immense
Bondit ; alors chaque mâtin