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BARBIER (AUGUSTE).

pas épuisé sa moisson. Restaient quelques glanes qu’il ne daigna jamais ramasser : le gracieux sonnet de Laura entre autres. On le lira tout à l’heure, et l’on verra que le poète n’aurait pas dû l’oublier.

Quelques années après, Berlioz était en quête d’un poème d’opéra, Auguste Barbier lui écrivit, en deux actes, celui de Benvenuto Cellini. L’Italie et ses génies le poursuivaient encore. En 1840, il était revenu à la Satire. Il publia deux poèmes. Erostrate et Pot de vin, dont le symbolisme sembla transparent pour tout le monde, à cette époque de renommée à tout prix, et de corruption prête à tout vendre.

On a encore de M. Barbier plusieurs recueils remarquables : Rimes héroïques, Silves, Chants civils et religieux, et une excellente traduction en vers du Jules César de Shakspeare.

Il fut élu à l’Académie française, en 1869, à la place d’Empis.


LA CURÉE


Oh ! lorsqu’un lourd soleil chauffait les grandes dalles
Des ponts et de nos quais déserts,
Que les cloches hurlaient, que la grêle des halles
Sifflait en pleuvant par les airs ;
Que dans Paris entier, comme la mer qui monte
Le peuple soulevé grondait,
Et qu’au lugubre accent des vieux canons de fonte
La Marseillaise répondait :
Certes, on ne voyait pas comme aux jours où nous sommes
Tant d’uniformes à la fois ;
C’était sous des haillons que battaient des cœurs d’hommes ;
C’étaient alors de sales doigts
Qui chargeaient le mousquet et renvoyaient la foudre ;
C’était la bouche aux vils jurons
Qui mâchait la cartouche et qui, noire de poudre,
Criait aux citoyens : Mourons !
Quanta tous ces beaux fils aux tricolores flammes,
Au beau linge, au frac élégant,