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AUTRAN (JOSEPH).


Scène d’effroi ! spectacle étrange !
Tu triomphais des flots amers.
Étais-tu la reine des mers ?
De la tempête étais-tu l’ange ?

La plage admirait. — Le soleil,
Retournant à son lit de gloire,
Sur tes bras, sur tes pieds d’ivoire,
Imprimait un baiser vermeil.

Toi, tu jouais dans sa lumière ;
Dressant ta tête aux blonds cheveux,
Tu repoussais d’un bras nerveux
Les flots môles à ta crinière.

Dans l’écume et dans le rayon,
Tu flottais, ô nageuse insigne,
Déployant des blancheurs de cygne
Et des souplesses d’alcyon.

Et nous pensions : Qui donc est-elle ?
Quel est cet être audacieux,
Dont la grâce, au siècle des dieux,
Eût fait jadis une immortelle ?

Un souffle de rébellion
A-t-il émancipé cette âme ?
Qui sait s’il reste un cœur de femme
Sous cette force de lion ?…

Est-ce l’amour qui pourra dire
Ce qu’elle attend pour s’émouvoir,
Ce qu’il faudrait à cet œil noir
Pour se noyer dans un sourire ?

Prodigue, vient-elle à ces bords,
Les soirs trop de vie abonde,