Page:Fournier - Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1880.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DELATRE (Louis)

Poète et philologue, qui associe par une union que son talent semble rendre naturelle la poésie et l’hébreu, la rime et le sanscrit.

Nous ne nous occuperons pas du linguiste ; nous ne verrons en M. Delâtre que le poète.

On connaît de lui trois recueils : Chants d’un voyageur ; Au bord de la Baltique et Chants de l’exil. Quoique Parisien, M. Delâtre fit paraître les deux premiers à l’étranger, l’un à Lausanne, en 1840, lorsqu’il avait vingt-cinq ans ; l’autre à Riga en 1842.

Le troisième seul, Chants de l’exil, qui, par son titre, aurait dû avoir un même point de départ, fut publié à Paris en 1843. M. Delâtre y fut longtemps collaborateur de l’Artiste et de l’Illustration.

Il vit maintenant à Rome avec sa femme, qui est, elle aussi, un poète distingué.

À L’OCÉAN

Rugis, vieil Océan ! rugis, lion superbe !
L’homme, sur tes déserts, flotte comme un brin d’herbe ;
Des volcans altérés tu nourris les ardeurs ;
Des races de géants peuplent tes profondeurs ;
Ton haleine disperse et brise les navires ;
Le moindre de tes flots dévore des empires ;
Tandis qu’au bruit confus des vagues et du vent,
Sur tes bords déchirés, je m’égare en rêvant,
Ta surface infinie offre à mes yeux l’emblème
De cet autre océan que je porte en moi-même,
Serein dans l’espérance, orageux dans l’effroi,
Changeant, mvstérieux, immense comme toi !