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LA FAILLITE (?) DU NATIONALISME

Non vraiment, c’est là une erreur qu’il importe d’éviter à tout prix : loin de « pousser les Canadiens français » à aller se battre pour l’Angleterre en considération de leurs sympathies françaises, ne manquons point, en toute occasion, de les bien convaincre et de leur bien faire comprendre que l’Angleterre, demain, sera de nouveau la pire ennemie de son alliée d’aujourd’hui. N’est-il pas possible, après tout, que la chose arrive ? Il est possible aussi, il est vrai, qu’elle n’arrive point. N’importe, affirmons-la hardiment :

Dès que l’Allemagne sera partiellement vaincue, l’Angleterre redeviendra l’ennemie traditionnelle de la France, de la Russie surtout. Elle ne sera pas plus alliée de l’Allemagne qu’elle ne l’est en réalité de la France. Mais c’est à Berlin que se fera l’entente cordiale. — (Cf. le Devoir du 28 octobre.)

Ignore-t-on d’ailleurs les noirs pensers qu’en ce moment même, dans le secret de leurs cœurs, nourrissent à l’endroit de la France et de la Russie les hommes d’État britanniques ?

Qu’on se le tienne pour dit : dès que le territoire de la France et celui de la Belgique auront été évacués, avant même que l’armée française ait franchi le Rhin, on entendra parler d’intervention et de paix. Les propositions ne viendront ni de Londres ni de Berlin, encore moins de Paris ou de Pétrograde. Les premiers appels au « sens commun » des belligérants, aux « intérêts supérieurs de la civilisation », partiront de New-York, où la finance anglaise et la finance allemande sont toutes-puissantes, ou de Rome, où la diplomatie anglaise est prépondérante.

L’Italie intacte et l’Angleterre fortifiée… seront alors en mesure de parler ferme. Très probablement aidées de