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les mystères de montréal

Huit ans auparavant ce même homme s’était aussi dirigé vers la demeure de Jeanne Duval, avec la même intention.

Les circonstances ne l’ayant pas favorisé, il avait subi un échec : incident lointain — devenu un événement dans sa vie — qu’il se rappelait comme hier, avec ses moindres détails.

Il fallait conquérir ce château-fort. Peu importait le plan de campagne.

Charles Gagnon s’était déguisé adroitement : aussi il faut dire qu’il avait bien changé durant ces dernières années. La vie sur mer, et le poste qu’il avait occupé, avaient donné plus d’énergie à ses traits et en avait fait un homme musculeux. Pour plus de sûreté, il teignait en noir sa chevelure châtain, laissait croître sa barbe et portait un lorgnon. À force de parler fort et au grand air, tour à tour en Espagnol et en Anglais, sa voix et sa prononciation étaient devenues autres.

Il avait confiance en pensant à la cordiale réception faite à lui par Jeanne, à ses sourires gracieux et à ses regards bienveillants.

Ce fut le cœur rempli d’émotion qu’il entra dans le salon de madame Braun. Celle-ci le reçut avec sa courtoisie habituelle. En même temps elle invita sa sœur à descendre ; elle savait bien pour qui l’ami de son mari venait à la maison.

Monsieur Braun, n’étant pas encore rentré du club, qu’il fréquentait toujours assidûment, les deux femmes se trouvaient seules pour recevoir.