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à Delphes faire reconnaître sa naissance. Ce fils d’Apollon devait être le petit enfant du Pont ; et parmi ces oracles si mystérieux, il devait y en avoir qui eussent annoncé aux Spartiates qu’il ne fallait donner la couronne qu’au mérite, sans avoir égard aux familles. Il n’était plus question que de composer des oracles, de gagner le fils d’Apollon, qui s’appelait Silénus, de le faire venir à Delphes et de corrompre les prêtres. Tout cela était fait, ce qui me paraît fort surprenant ; car quelles machines n’avait-il pas fallu faire jouer ? Déjà Silénus était en Grèce, et il se préparait à s’aller faire reconnaître à Delphes pour fils d’Apollon ; mais malheureusement un des ministres de Lysandre fut effrayé, quoique tard, de se voir embarqué dans une affaire si délicate, et il ruina tout.

On ne peut guère voir un exemple plus remarquable de la corruption des oracles ; mais, en le rapportant, je ne veux pas dissimuler ce que mon auteur dissimule : c’est que Lysandre avait déjà essayé de corrompre beaucoup d’autres oracles et n’en avait pu venir à bout. Dodone avait résisté à son argent ; Jupiter Ammon avait été inflexible, et même les prêtres du lieu députèrent à Sparte pour accuser Lysandre ; mais il se tira d’affaire par son crédit. La grande prêtresse même de Delphes avait refusé de lui vendre sa voix ; et cela me fait croire qu’il y avait à Delphes deux collèges qui n’avaient rien de commun : l’un de prêtres et l’autre de prêtresses ; car Lysandre, qui ne put corrompre la grande prêtresse, corrompit bien les prêtres. Les prêtresses étaient les seules qui rendissent les oracles de vive voix et qui fissent les enragées sur le trépied ; mais apparemment les prêtres avaient un