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ESSAI SUR L’HOMME.

« Lois que saura braver le coupable puissant,
« Et qui n’accableront que le faible innocent.
« Va, cours, soumets le monde à tes lois arbitraires,
« Et que le plus habile, apportant à ses frères
« Ces arts que l’instinct seul eût appris aux mortels,
« Règne, et comme un Dieu même usurpe des autels ! »

 La Nature a parlé : les mortels obéissent ;
Par un pacte commun des peuplades s’unissent ;
Les murs sont élevés : déjà deux bourgs naissants.
Qui seront quelque jour deux États florissants,
Près du même rivage ont tracé leur enceinte.
D’abord ils sont unis par amour ou par crainte :
L’un abonde en ruisseaux, l’autre abonde en vergers
S’il faut ravir ces biens, la guerre a ses dangers :
L’olivier dans la main le commerce s’avance,
Et d’un échange heureux naît bientôt l’alliance ;
Tous deux de leurs trésors se donnent la moitié,
Et tel vint ennemi qui retourne allié.
Quand l’amour, libre encore, ignorait l’imposture,
Quand seule au genre humain commandait la nature
Le commerce et l’amour unissaient les mortels.

 On méconnut les rois jusqu’aux jours solennels
Où l’intérêt public, où la reconnaissance,
Entre les mains d’un seul déposa la puissance.
Les inventeurs des arts, les généreux guerriers,
Les bienfaiteurs du Monde ont régné les premiers z
La vertu fut leur titre ; et, sous leur loi prospère.
Le peuple crut longtemps n’obéír qu’à son père.