Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
ŒUVRES DE FONTANES.

Forment en cent reflets, vifs et doux, clairs et sombres,
Du tableau de la vie et les jours et les ombres.

 Les plaisirs à ton choix, offerts de toutes parts,
Sont toujours dans tes mains ou devant tes regards
Le présent te les donne, ou l’espérance active
En a dans l’avenir l’heureuse perspective :
Les atteindre est le but et de l’âme et du corps.
Chacun a des attraits plus faibles ou plus forts,
Et l’empire inégal que sur nous il exerce
Donne à nos passions une forme diverse ;
C’est par là quelquefois qu’augmentant sa vigueur,
De nos autres penchants un seul reste vainqueur ;
Seul il les soumet tous, et croit par leur défaite.
Tel, sur les bords du Nil, le serpent du prophète,
Des mages orgueilleux confondant les défis,
Seul dévora l’essaim des serpents de Memphis.

 On dit que du trépas le germe héréditaire,
Atteignant les mortels dans le sein de leur mère,
Chaque jour avec eux, jusqu’au dernier moment,
Croit et détruit le corps qui lui sert d’aliment.
Ainsi naît et grandit la passion première
Qui doit régner un jour sur l’âme tout entière.
Le temps ni les conseils, rien ne peut la guérir :
Quand le cœur et les sens commencent à s’ouvrir,
L’imagination, qui la redouble encore,
De funestes attraits à nos yeux la décore ;
Des vices, des erreurs, des talents, de l’esprit,
De tout notre être enfin ce penchant se nourrit.