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ŒUVRES DE FONTANES.

critique[1], qu’on n’accusera point d’indulgence, s’exprimait ainsi sur cet ouvrage : « Le pathétique sombre et profond du rôle d’Œdipe, la sensibilité douce et attendrissante de sa fille Antigone, des vers sublimes, d’une simplicité touchante et énergique, des vers de situation dignes de nos grands maîtres, voilà ce qui doit racheter quelques défauts. Il y a peu d’exemples de ce degré de chaleur et d’énergie. »

Mais les noirs fantômes de la tragédie anglaise s’emparèrent encore de M. Ducis. Il imita tour à tour Léar, Othello, Jean-Sans-Terre et Macbeth. Dans cette dernière tragédie, il exprima quelquefois, avec une effrayante vérité, les remords qui suivent un grand attentat. Cependant son âme pure n’avait point dû connaître les remords. Il est donc vrai que l’instinct des grands poëtes devine ce qu’ils ne savent pas !

Après avoir tracé tant de scènes terribles, où son génie lutta plus d’une fois avec avantage contre celui de Shakspeare, il voulut se délasser dans de plus douces peintures. Une dernière composition dramatique, qu’il ne doit qu’à lui-même, Abufar, est le tableau des mœurs arabes. La simplicité de ces mœurs antiques convenait à ses pinceaux : les habitudes de sa vie l’appelaient vers le repos domestique et sous la tente patriarcale, plutôt que dans les cours et dans les palais des rois.

Les terreurs de la tragédie ne le poursuivaient pas toujours : il aimait la campagne ; il s’y réfugia surtout

  1. M. de La Harpe.