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ŒUVRES DE FONTANES.

La politesse des expressions et celle des mœurs ont plus d’une analogie ; et travailler sur une langue, c’est travailler plus qu’on ne croit sur les sentiments du peuple qui la parle et qui l’écrit.

Toutefois l’Académie n’ignore pas que des esprits superficiels, et que même de graves philosophes, qui ne le sont pas assez, traitent quelquefois avec un dédain superbe ce premier objet de ses occupations : elle ne répondra point aux premiers ; ils ne pourraient l’entendre : mais elle invite les seconds à l’écouter. S’ils sont philosophes, comme ils le disent, ils doivent avoir médité sur la relation des signes et des idées. En y réfléchissant mieux, ils verront peut-être que cette science des mots (je m’énonce ici comme eux) n’est bien souvent que la science des choses.

En effet, Messieurs, celui qui peint la pensée a dû penser longtemps pour l’exprimer dans toute son énergie. Or, la parole est une peinture, et le style n’est que la parole écrite. Quel est tout le secret du style ? C’est de reproduire au dehors, avec un art fidèle, tout ce qu’on a conçu, dans le secret de la méditation, au dedans de soi-même. L’écrivain porte en son esprit un modèle intérieur dont il veut représenter l’image. Des expressions diverses tour à tour se présentent : une analyse rapide en décompose les nuances fortes ou délicates, élevées ou profondes. Que de vues perçantes et variées pour comparer et pour choisir ! Ces expressions elles-mêmes amènent d’autres idées, car elles en sont à la fois l’effet et la cause. Si la conception est pauvre, incomplète et languissante, le style,