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ŒUVRES DE FONTANES.

peine à leur survivre. Mais, si leur gloire est moins imposante et moins durable, elle est peut-être plus douce et plus tranquille. L’envie et la haine s’éloignent d’eux, car leurs succès sont peu disputés dans ces cercles brillants dont ils embellissent les fêtes. Dignes héritiers de nos vieux troubadours, prouvant par leur gaieté cette antique et joyeuse origine, ils courent dans tous les lieux où le plaisir les appelle ; ils entrent, une lyre à la main, dans le palais des princes ; ils paient noblement l’hospitalité dans ces demeures du luxe et de la grandeur, en y chassant la contrainte et les soucis par les jeux d’une muse badine, qui mêle plus d’une fois les leçons de la sagesse aux chants de la folie et du plaisir. Plus heureux encore, ils viennent s’asseoir au banquet de l’amitié : partout la joie redouble à leur passage. C’est la joie qui leur dicta ces vaudevilles piquants, ces refrains qu’une heureuse naïveté rendit populaires ; c’est la joie encore qui, mieux que l’or et la faveur, acquitta les vers qu’elle fit naître en les répétant de la cour à la ville, et de la ville jusqu’aux extrémités de la France. Les fruits de leur imagination riante, après avoir charmé les contemporains, sont même recueillis avec soin par la postérité, s’ils réunissent la finesse au naturel, et la satire agréable des mœurs au respect pour les bienséances sociales.

En peignant le troubadour moderne, n’ai-je pas tracé le caractère de M. Laujon ? Il critique sans amertume, il folâtre sans licence ; c’est un avantage qu’il eut sur Anacréon, auquel vous le comparez.