Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
PRÉLIMINAIRE.

telles que les Systèmes, les Cabales, etc. Si on n’y rencontre pas le même goût et la même élégance que dans ses Discours moraux, n’y montre-t-il pas un esprit plus indépendant, plus varié, plus étendu ? C’est là que se déploie librement toute la franchise de sa gaieté ; c’est là qu’il manie avec autorité l’arme du ridicule, qu’il unit dans le même trait le plaisant et le sublime. Le lecteur, étonné des sentiments divers qu’il éprouve, sent, rit et pense à la fois ; il est surpris de voir l’imagination la plus brillante et la plus jeune jeter, dans ses rapides saillies, une foule de ces vers pleins de sens, qui renferment l’expérience d’un long âge et le fruit d’une étude immense. Ce n’est pas que dans ses productions légères, qu’il multipliait vers la fin de sa vie, Voltaire n’ait violé plus d’une fois toutes les bienséances sociales. Il avait pris sur son siècle, à cette époque, un ascendant presque universel ; il ne rencontrait dans l’Europe aucune gloire égale à la sienne ; et, ne donnant plus le frein aux écarts de son imagination, il se jouait de tout avec une licence inexcusable. La religion et les lois s’indignaient en vain de son audace ; il était protégé par sa vieillesse et l’enthousiasme de ses nombreux partisans. Un des avantages qui ont le plus servi ce grand poëte, c’est la durée de sa vie. Pope, au contraire, est mort à cinquante-trois ans : sa gloire redouble encore après l’examen de Lucrèce, d’Horace, de Despréaux et de Voltaire : les trois premiers ne lui avaient point donné le modèle de l’Essai sur l’Homme, et le dernier n’a fait tout au plus